mardi 28 avril 2009

Valeurs africaines


Voici un billet difficile à écrire mais à mon avis nécessaire. Parler de valeur n’est pas une mince tâche, mais après un mois et demi sur le territoire, j’ai décidé de vous partager certaines constatations. Les valeurs qui sautent aux yeux ici sont celles rattachées à la famille et à la religion. Mais, dans ce billet j'insisterai davantage sur la famille pour revenir plus tard, à la question religieuse.


Pour l’africain moyen, la famille est au centre de la vie et ce autant en ce qui à trait aux enfants qu’aux parents. Le seul fait d'avoir des enfants est considéré comme la priorité numéro un. D’ailleurs, la première question qui m'est le plus souvent posée quand je rencontre une personne africaine est de savoir si j’ai une progéniture. Ici, les enfants sont considérés comme la richesse de l’homme et la fierté de la femme. Aussi, les parents sont très respectés et jamais laissés à eux-même lorsqu'ils éprouvent des difficultés. Par rapport à notre style de vie en matière d'enfants, je dirais que l’on a très certainement à apprendre du modèle africain. En effet chez nous, on sous-contracte l’éducation des enfants en les envoyant à la garderie le plus tôt possible et il en est souvent de même avec nos ainés qu'on s'empresse de placer en maison de retraite. Certes mon constat de la société occidentale est plutôt sévère et je sais que beaucoup d’exceptions (qui ne constituent pas pour autant la norme) pourraient me faire mentir, mais reste que nos familles souffrent beaucoup trop. Et tout ça dans le but de soutenir un gros train de vie pour lequel souvent un seul salaire ne suffit pas. En ce qui concerne les ainés, bien que leur souhait le plus cher soit de conserver leur autonomie le plus longtemps possible, on est de plus en plus à vouloir de moins en moins les accueillir à la maison quand leurs capacités diminuent.


Bien entendu, le modèle africain n’est pas parfait non plus puisque la majorité des gens s’oublient comme individu pour donner priorité la famille. En fait, ici il n’y a pas de place pour l’individualisme. Alors que nous nous baladions en pirogue en Casamance, un français a demandé à Papis s'il était bien payé pour son travail de guide. Papis a répondu que le salaire n’est pas vraiment important; « je reçois un bon revenu, je paie mes dépenses de base et je donne ce qui reste à ma maman pour aider aux dépenses de la famille ». Et la grosse majorité des africains que j’ai rencontrés dans les villes tiennent un discours similaire. Ils envoient tous une partie de leur revenu à la maison familiale. Dans le même ordre d’idées, les expatriés africains envoient pour leur part, beaucoup d’argent par les systèmes de transfert comme Western Union ou Money gram. D’ailleurs, cet argent compte généralement pour une grosse partie de l’économie africaine. Cette vision solidaire de la famille peut sembler être un frein au développement individuel, car l’effort personnel ne donne pas nécessairement un retour direct à l’individu. Beaucoup perdent leur motivation à travailler fort, car même en travaillant plus ils constatent qu'ils ne peuvent pas voir de résultat tangible dans leur qualité de vie personnelle. Pour ces derniers, bien que l'argent envoyé permet à chaque membre de leur famille de vivre mieux, l'évolution de leur situation personnelle est beaucoup moins rapide que dans le monde individualiste dans lequel ils ont choisi de vivre et qui donne envie.


L’africain qui essaye de se dissocier de sa famille dans le but de refaire sa vie et de suivre le modèle occidentale risque gros et est trop souvent très mal vu par ses proches. S’il reste en Afrique et se démarque par un certain succès, ses pairs essayeront inévitablement de le tirer vers le bas en touchant à sa réputation. Certes, il aura toujours le choix de quitter et vivre sa vie ailleurs, mais dès son retour aux sources il sera sur-sollicité par ses proches qui le considéreront comme une poche sans fin. Et c'est principalement pour cette raison que très peu choisissent de revenir au bercail malgré la douleur que peut représenter l'idée de vivre loin des siens à jamais.


Ce lien familial peut aussi créer des problèmes en ce qui a trait aux relations de travail. Par exemple, quand un africain accède à un poste de pouvoir en Afrique, il fini toujours tôt ou tard par sentir une forte pression familiale pour permettre aux siens de profiter eux aussi de son pouvoir de gérance et ou d'influence dans l’entreprise qu’il gère ou qu'il dirige. Il se retrouve souvent dans l'obligation de calmer des conflits de travail, car l’embauche d'un membre de la famille ne rime pas nécessairement avec compétence pour le poste. Malgré tout, même si l'individu embauché ne fait pas un bon travail, la pression familiale pour le garder rend quasi-impossible son congédiement. C'est difficile à comprendre quand chez nous on a toujours prétendu, qu’il faut éviter les liens familiaux au travail dans le but de réduire les conflits potentiels et aussi un peu il faut bien l'avouer, pour préserver sa réputation.


Paradoxalement chez nous, beaucoup s'entendent pour dire que les enfants n’ont plus le respect d’autrefois envers leurs parents, leurs enseignants ou les gens qui représentent l'autorité en général. On prétend que les jeunes adultes ne reconnaissent plus en leurs ainés la source d’informations et de sagesse qu'ils avaient jusque là représentée. On les considère plutôt comme des gens dépassés qui ne comprennent rien à l’évolution.Les gens du troisième âge s’ennuient à mourir comme jamais auparavant. Les baby-boomers quant à eux, sont perçus comme des gens qui ne pensent qu’à leur retraite, leur sécurité financière et aux activités qu'ils pratiqueront une fois libérés de leur travail.


Enfin, ce texte se veut une réflexion suite à mes observations des faits, de mon expérience au Canada, des discussions que j’ai eues avec des américains, des européens, des asiatiques et dernièrement des africains. Comme on le sait tous, le système parfait n'existe pas, mais plus je fouille et plus je me rends compte que si on ne tend pas vers plus d’équilibre, notre monde ne pourra plus offrir aux générations qui poussent la qualité de vie qu'elles méritent. Certains diront que je suis utopiste et c’est peut-être vrai, mais regarder le monde aujourd’hui en tant que race humaine, aimez-vous la direction qu'elle prend?


Édition: Roxanne Picher

jeudi 23 avril 2009

Les Adjahi


Ma première journée au Bénin s’est passée sans la famille Adjahi car ils étaient au village de Tanvè, lieu de naissance de M. Adjahi. C’est donc samedi en fin de matinée qu’ils se sont pointés à la résidence de Cotonou. Comme ça fait du bien de voir un visage connu au bout de cinq semaines d'exil! Et puis il y avait les petites jumelles, Carla et Anaïs que je n’avais pas vues depuis trois ans. Maintenant âgées de près de cinq ans, elles sont vraiment adorables ! À vous d’en juger !

J’ai rencontré M. Adjahi, un homme en plein contrôle de son univers béninois où il est extrêmement respecté de tous. D’un tempérament calme et tranquille, il jouit depuis quelques années d’une retraite bien méritée entre la France, où il a fait carrière dans le milieu bancaire et son Bénin natal auquel il semble profondément attaché tant au niveau des valeurs que des traditions. Mme Adjahi pour sa part, est la douceur incarnée. Tout comme son mari, elle adore revenir au Bénin et s’applique à entretenir le bien-être de toute sa famille étendue. Depuis qu’elle est à la retraite, elle s’adonne à sa passion : l’écriture et la profession de conteuse. Elle a ainsi organisé, quasiment seule, le premier FICOP (festival international du conte de la parole), qui s’est déroulé au Bénin en décembre 2008. Elle s’occupe également de la gestion de sa maison et s’implique énormément dans le village de Tanvè. Bref, elle ne s’arrête jamais ! Je suis heureux d'avoir rencontré ces gens extraordinaires et j'espère qu’autant avec monsieur qu'avec madame nous aurons tissé des liens durables.



La maison des Adjahi à Cotonou est très spacieuse et durant toute la journée le flux de visiteurs est constant. Tout l’entourage de la famille, qui reçoit beaucoup d’aide de cette « quasi ONG » familiale, tient à participer un peu en offrant leur aide. Il est donc très intéressant d’y passer une journée et de rencontrer tous ces béninois tous plus gentils les uns que les autres.


Pour le lunch, on se fait servir un succulent poulet bicyclette avec frites maison, qui n’ont pas manqué de me rappeler notre met national, la poutine, tellement elles étaient bonnes ! Pour occuper les filles en après-midi, Isabelle a eu brillante idée d’aller à la piscine de l’hôtel Novotel, c’est d’ailleurs là que j’ai trouvé la meilleure connexion internet de Cotonou. Mon séjour au Bénin débute vraiment sur une très bonne note; attendez la suite…

Édition: Isabelle Adjahi

Le commerce au Bénin

Ceux qui me connaissent savent très bien que j’ai toujours la tête remplie de projets et en voici un autre! Frank, que je vous ai présenté dernièrement, est propriétaire d’un petit garage à Cotonou. Il est en affaire depuis une douzaine d’années et son entreprise lui permet de bien faire vivre sa petite famille. Le temps et l’expérience lui ont permi de se bâtir une clientèle fidèle et de signer de petits contrats avec des entreprises.


Vous voyez peut-être où je veux en venir? À l’importation de véhicules vers le Bénin qui peut être très lucratif s'il est bien fait. Nous avons donc eu, Frank et moi, une bonne discussion sur le sujet. En comparant les prix des modèles usagés de chez nous, des États-Unis et de la France, nous avons remarqué une marge de profit potentiel de 50 à 75%. Et puis Frank a tous les contacts pour la revente au Bénin. Voilà tous les ingrédients réunis pour que nous nous lancions dans la mise sur pied d’un projet d’affaire intéressant, n'est-ce pas? Enfin, on verra...


Alors que nous discutions du commerce au Bénin en général, je me rends compte que les choses sont peut-être plus compliquées que je ne les imaginais! Frank m'apprend qu’il est très difficile de travailler à l’importation car les frais de douane peuvent être exorbitants. D’ailleurs, une grosse partie des biens vendus au Bénin sont issus de la contrebande avec le Nigéria pays voisin. Dans l'univers de l’automobile béninois, les pièces neuves vendues par les concessionnaires sont jusqu'à sept fois plus chères que les mêmes pièces de contrebande. Certains garages passent même ces dernières au plein prix et ne se génent pas pour empocher la différence.


Cette contrebande est endémique pour tous les produits de consommation. Frank m’explique que beaucoup de camions de transport traversent le Bénin en transit vers le Togo. Ces camions sont escortés pour faire la traversée, mais comme par magie, ils s’arrêtent tous pour vider une partie du chargement en territoire béninois et l’escorte ferme toujours les yeux. Par la suite, les camions continuent tout simplement leur route et rendus à la frontière du Togo, n'ont qu'à faire une déclaration verbale et le tour est joué.


Il est donc très difficile de posséder un commerce rentable en empruntant les circuits normaux, c’est-à-dire les douanes béninoises. À moins, bien sûr d’avoir des contacts avec les douaniers. Aussi, une bonne partie de ce qui est vendu au marché: tissus, bijoux, chaussures, matériel électronique et autres, passe par le même système parallèle. Du coup, il n’en faut pas plus pour que je me rende compte que mon projet d’affaires super intéressant vient à l’instant de perdre une bonne part de son attrait! Mais je ne baisse pas les bras! Je sais être patient et trouverai sûrement moyen de faire commerce moi aussi!


Édition: Isabelle Adjahi

mardi 21 avril 2009

Cotonou


Enfin en territoire béninois ! Je découvre un autre pays et par le fait même une autre facette de l’Afrique. Comme à mon arrivée à Bamako où j’ai vu une différence notable avec le Sénégal, ma première impression du Bénin est elle aussi dépaysante. La circulation est particulièrement dense à Cotonou ou le ratio est d'une voiture pour 20 motos qui roulent! De l’aéroport à la résidence des Adjahi les routes sont neuves, mais les quartiers traversés laissent entrevoir la pauvreté de la ville. Bien que les voies d’accès soient asphaltées, tout comme à Bamako, les routes secondaires, bien que très empruntées, sont en sable.



Aussitôt arrivé à la résidence, Antoine l’homme de maison, me prépare un excellent repas de poulet bicyclette. Pourquoi poulet bicyclette? Car pour pouvoir manger un poulet il faut d’abord l’attraper et ça court vite un poulet! D'ailleurs, le goût du poulet n’a rien à voir avec celui que l’on mange au Canada; ici pas d’hormones et comme ils sont en liberté, ils sont minces et ont une forme athlétique! En fait, un demi-poulet en Afrique est l’équivalent d’un quart chez nous!



Rassasié, je m’installe dans ma chambre et me dis qu’une bonne brassée de lavage ne serait pas un luxe. Je demande donc à Antoine de me montrer l’équipement disponible pour la tâche à accomplir. En Afrique, les laveuses à linge se font plus que rares, il faut donc faire à la main. Mais voilà que je fais face à un mur de résistance de la part d’Antoine et Parfait, le cousin d’Isabelle, quand j’insiste pour faire ma lessive moi-même. C’est donc à trois que nous avons fait le travail et en un rien de temps le tour était joué! Je crois que je devrai me faire à l’idée qu’ici je suis l’invité et qu'en ce qui concerne les tâches ménagères, c’est un peu une insulte de refuser l’aide si chaleureusement offerte. Si vous insistez...


Un peu plus tard, Parfait me montre le cybercafé du quartier qui est d’une lenteur à s’arracher les cheveux de la tête! Non vraiment il va falloir que je trouve mieux, car c’est impossible pour moi de travailler sur mon blogue dans ces conditions. Que voulez-vous? C’est ça l’Afrique et je dois faire avec. Je commence tout de même à réaliser que ma capacité d’adaptation, bien que loin d’être parfaite, me permet d'assez bien gérer toute ces petites frustrations. En tout cas pour l'internet je n'ai pas d'autre choix que de me rendre à l’Hôtel Novotel de Cotonou pour y siroter une petite bière toute en travaillant sur mon ordinateur, car au Novotel, hôtel 4 étoiles oblige, la connexion est vraiment top.


Le soir venu, Antoine me prépare le dîner; un bon petit poisson grillé. Mais voilà que lui et Parfait refusent de s’asseoir à table pour manger avec moi. J’insiste un peu mais rien à faire, ils attendent que j’aie fini pour manger. Je me mets donc au défi de travailler là-dessus, car non seulement il est intéressant d’avoir de la compagnie pour manger, mais qui suis-je pour mériter ce statut?


Après le diner, Frank, Parfait et moi avons décidé d’aller faire un petit tour en ville pour voir Cotonou de nuit et prendre un verre dans un petit bar où il y a de la musique africaine live. Les rues de la ville ne sont pas éclairées la nuit et donc le tour de ville est à visibilité réduite ce qui rend la balade très charmante. Une petite crème glacée maison au Festival des Glaces et ensuite nous nous retrouvons au repère de Bacchus pour une soirée musicale très sympathique. Vraiment pas mal comme première journée au Bénin.

Édition: Isabelle Adjahi

Je suis coupable d’abus du système…


J’ai quitté Bamako vendredi matin le 10 avril pour me rendre à Cotonou sur les ailes de la compagnie aérienne du Mali. Et oui ! Me voilà encore avec ce magnifique MacDonald Douglass plus vieux que moi! Cette fois-ci par contre, le vol fut plutôt calme et l’arrivée sans aucune turbulence, du moins dans l’avion…


Dans mon super guide sur l’Afrique de l’ouest, il est clairement indiqué qu’il est possible, pour le Bénin, de se procurer un visa à la frontière. J’ai donc assumé qu’à mon arrivé à Cotonou il y aurait un bureau des visas, que je paierais le montant demandé, que l’on estampillerait mon passeport et que je pourrais tout bonnement aller dépenser mon argent au Bénin. Et bien non, c'était pas si simple! Voici comment ça c'est passé. Arrivé aux douanes, le garde me demande si j'ai mon visa. Je lui réponds que j’ai cherché le bureau des visas et que je ne l’ai pas trouvé. Il retient alors mon passeport et me dit de me présenter au poste de police à l’extérieur de la zone d’arrivée.




Vous vous dites que je suis probablement dans mer… jusqu’au cou là hein? Mais non! Je suis attendu chez la famille Adjahi et il y a Frank, un cousin d’Isabelle qui m’attend dans le lobby de l’aéroport. Je lui explique la situation et je me pointe au bureau de police. L’agent qui n’a jamais voulu me donner son nom commence à me dire qu’il faut un visa pour rentrer au Bénin, que mon guide est erroné et qu’ils ont reçu une formation spécifique sur ce genre de situation. Je lui dis très calmement que je suis maintenant ici et je lui demande les solutions possibles. Sa première réponse ne me satisfait pas vraiment car il me propose de prendre le prochain vol pour quitter le pays…


Pendant ce temps, tout près un français semblait pris dans la même situation que moi, mais lui semblait beaucoup moins calme que je pouvais l’être. Au bout de quelques minutes, je le vois déposer des billets sur la table et la situation semble s’améliorer. Je me dis qu’au pire je devrai payer et que tout rentrera alors dans l’ordre ; c’est le montant que je risque de débourser qui me rend un peu mal à l’aise. Mon nouvel ami Frank pour sa part, s’activait sur le téléphone pour rejoindre M. Adjahi et lui expliquer la situation.


Et voilà que l'intervention divine opère! L’officier de police reçoit un appel et l’expression de son visage change complètement. Un peu furieux, il me demande de remplir une carte de séjour et de me présenter au bureau d’immigration le mardi suivant, long weekend de Pâques oblige, pour faire ma demande de visa. On a quand même retenu mon passeport, mais au moins j’ai pu rentrer dans le pays. Fiou! Bienvenue au Bénin!


Situation similaire lors de ma demande de visa : un petit coup de téléphone au directeur de service et comme par magie tout fut très simple et l’attente… quelle attente ?!!! OK ! J’ai eu droit à des regards assez sévères de la part de certains touristes ou travailleurs étrangers qui ne l’ont pas eue aussi facile, mais bon! Vous vous demandez si j’ai eu un cas de conscience avec toute cette aventure? Et bien oui! C'est comme ça, la vie est à ce point injuste et les contacts donnent très souvent un coup de main plutôt difficile à refuser! N'auriez-vous pas fait pareil?!

Édition: Isabelle Adjahi

Retour vers Bamako


Comme vous avez pu le lire, c’est avec un brin de nostalgie que je quitte le pays Dogon pour retourner à Bamako. Toutefois, ce retour ne s’est pas déroulé sans histoire! Je vous raconte. Juste avant de me préparer à quitter, j’ai emprunté la moto d’Amaghana, histoire de faire quelques emplettes pour le trajet du retour qui doit durer une quinzaine d’heures.


Au retour vers l’hôtel, je m’engage tranquillement dans le rond point de la place centrale de Bandiagara. Je n’ai pas vue l’agent de police qui est situé de l’autre côté et en passant devant lui, il me siffle et me fait signe d’arrêter, requête à laquelle j’obtempère sur le champ. Il me demande la vignette de la moto et comme vous pouvez imaginer, je n’ai aucune idée de ce dont il parle..! Devant notre impossibilité de nous comprendre, c’est à pied que je finis ma course de quelques centaines de mètres... car monsieur l’agent a décidé de saisir ma moto..!


Un petit appel à Amaghana qui vient me rejoindre. Je lui explique ce qui vient de se passer à quoi il me répond de ne pas m’en faire, qu’il sera de retour sous peu. Au bout de trente minutes, il se pointe avec sa moto et il semble que tout est rentré dans l’ordre. Il m’explique que l’amende pour se faire prendre sans vignette est de 12 500 CFA et qu’il faut par la suite acheter la vignette qui coûte 6 000 CFA. Par contre, en refilant un billet de 2 000 CFA à ce gentil gardien de la paix, il a pu récupérer sa moto sans aucun problème.


Ici on dit «c’est ça l’Afrique , mais je dois admettre que je rageais un peu de l’intérieur surtout que lorsqu' il a confisqué la moto, j'ai remarqué qu'il y en avait déjà une bonne douzaine sur le terre plein à côté de lui... Par contre, Amaghana m’a fait voir la situation un peu différemment : selon lui, cet agent de la paix a une famille proche étendue et son salaire de policier n’est probablement pas suffisant pour subvenir à leurs besoins. Il m’a aussi dit qu’il connaissait l’agent et que malgré les apparences, il est quelqu’un de généreux. Enfin, il a reconnu que si lui, Amaghana, avait acheté sa vignette en premier lieu, il n’aurait pas eu à payer ce 2 000 CFA. C’est un fait… De ce point de vue, on peut le voir comme un système de péréquation. Il est certain que ce n’est pas parfait, mais après tout dans la vie les choses ne sont pas juste noir ou blanc…


C’est donc sur cette note un peu amère que je prends le taxi-brousse vers Cévaré ou attend le bus qui part vers Bamako. Le départ prévu pour 15 h est retardé et il est presque 17 h quand nous prenons enfin la route. Le monde du transport en autobus en Afrique est assez particulier, il y a les gens qui prennent leurs billets au terminal et il y a les autres. Pour ma part, j’ai acheté mon billet au guichet ou on m’a donné un reçu qu'au moment de monter à bord je dois remettre au responsable. Jusque-là tout est ce qu’il y a de plus normal. Par contre, une fois que le chauffeur prend la route, on a pas fait 1 km qu’il s’arrête sur le bord du chemin pour faire embarquer d’autres passagers. Et oui, vous l’avez bien deviné: ce sont les autres ; ceux qui essaient d’épargner quelques francs et qui traitent directement avec le chauffeur… «c’est ça l’Afrique»!


Le trajet initialement prévu pour durer huit heures dura malheureusement beaucoup plus longtemps, à cause de tous ces arrêts supplémentaires. Cette fois j'avais décidé de ne pas prendre la même compagnie de transport que j’avais utilisée pour me rendre à Tombouctou et réflexion faite, je crois que j’aurais mieux fait de continuer avec le même transporteur. L’autobus est sale et derrière moi il y a une dame qui transporte un gros sac de poissons séchés. Quand on roule ce n’est pas si mal mais aussitôt l’autobus à l’arrêt, une odeur de poisson pas trop frais m’envahit et me donne chaque fois l’envie de gerber… Le trajet promet d’être long...


Il est 4 h 30 du matin quand nous arrivons finalement à Bamako et comme je ne veux pas me casser la tête, je décide de me prendre une chambre à l’hôtel Salam; le grand luxe après une semaine dans le désert à coucher dans un lit pas trop confortable et à utiliser une toilette turque chaque matin. À la réception de l’hôtel je demande l’heure à partir de laquelle je peux réserver une chambre pour le lendemain. On me répond que le changement de date est à 7 h. Je demande alors si je peux attendre dans le lobby au lieu de payer une nuit au complet pour seulement 2h30 d'attente. Au bout de trente minutes, le type vient me voir et m’offre la chambre tout de suite, je crois qu’il m’a pris en pitié! Mais au diable la gêne! Je me fous un peu d’être pris en pitié puisque quelques minutes plus tard, me voilà enfin dans une belle chambe avec un bon lit, une toilette propre et le branchement internet. Je suis comblé!



C’est donc dans ce luxueux hôtel que j’ai terminé mon séjour à Bamako. Une petite visite chez Abou Baccar où j’ai rencontré sa famille, un souper avec Bouba et sa copine ainsi qu’un couple d’amis et me voilà parti vers d’autres contrées. C’est maintenant le Bénin qui m’attend.

Édition: Isabelle Adjahi

mercredi 15 avril 2009

La religion Dogon


Ce billet fait suite à l’article du 8 avril sur la religion animiste. Comme je l’ai déjà écrit, toute l’Afrique noire est à la base animiste et se retrouve sous une forme ou une autre ici. L’animisme n’est pas une religion révélée tel le que le christianisme, le judaïsme ou l’islam, elle serait plutôt une interprétation de l’équilibre entre l’homme et la nature. C’est pourquoi, il est impossible de parler d’animisme pour l’ensemble de l’Afrique, mais plutôt de tradition régionale.



Chaque peuple ou tribu a sa pratique religieuse qui adaptée à la réalité de sa région.
La religion Hogon par exemple, est très différente de la vision animiste des casamançais. D’abord, le chef spirituel des Dogons s’appelle le Hogon et habite dans la falaise dans la petite maison sur la photo, comme le veut la tradition. Le Hongo est très facilement déterminé: il s'agit tout simplement de l’homme le plus vieux du village. À la mort du Hogon, la légende dit que le bâton sacré de ce dernier se téléporte dans la case qui appartient à la famille représentée par le plus vieil homme du village encore en vie. Cet homme devient le nouvel Hogon et même s'il vit dorénavant à l’extérieur du village, il est de sa responsabilité de revenir au village et d’assumer le rôle de Hogon. S’il refuse un mauvais sort sera jeté sur toute sa famille qui sera reniée par le reste du village. À ce jour, aucun futur Hogon n’a refusé d’assumer son rôle, la pression familiale étant trop grande.



Le Hogon ne peut se laver avec de l’eau car pour lui il s'agit d'une eau impure; seule la langue du serpent peut purifier le Hogon. Les contacts avec le chef spirituel sont rares et limités aux célébrations habituelles comme celles de la pluie, de la fécondité, des funérailles, des incantations pour rétablir l’équilibre, etc. Aussi, le Hogon ne se nourrit que des aliments préparés par une vierge.



Dans la religion Dogon, une attention particulière est apportée aux femmes qui ont leurs règles. Les femmes menstruées, logent dans une petite maison ou toutes les femmes doivent vivre du début à la fin de leurs menstruations. Si une femme sort de cette case durant cette période, un mauvais sort lui sera jeté et elle pourrait souffrir d’infertilité ou de maladie voire mourrir.



Comme vous pouvez le constater, l'animisme d'ici est très différent de celui de la Casamance, mais les bases restent les mêmes. Bien que certaines de ces croyances soient complètement naïves d’un point de vue occidental de 2009, les gens du Pays Dogon étant très superstitieux, ces rites sont encore bien ancrés dans le quotidien. Fait intéressant à noter, cette attitude face à la religion ne nous est pas si inconnue. On a qu'à regarder les traditions et coutumes des premières nations autochtones des Amériques pour y voir une certaine similarité.



Édition : Christine Adjahi née Gnimagnon

Le Pays Dogon


Dimanche le 5 avril, la santé s’améliore un peu et je négocie un contrat de visite du Pays Dogon avec Cheik Omar. Ce ne sera pas lui qui me servira de guide mais le prochain en ligne car avec l’association des guides du Pays Dogon, il y’a un ordre à suivre. Mon guide sera donc Amaghana Guindo et pour 55 000 CFA (140$ Can) je m’achète un package deal tout comprit de deux jours, transport, hôtel, bouffe, breuvage. Il est certain que ce n’est pas le Ritz, limo, gastronomie et pauillac mais la mobylette fonctionne, le matelas déposé sur le sol est bien, la bouffe de la région est très bonne et je bois de l’eau minérale.

Le trajet pour ce rendre n’est que de 20 km et j’ai insisté pour prendre le volant. Le Pays Dogon se situe majoritairement au bas de la falaise de Bandiagara qui s’étend sur quelques 200 km et de 300 à 700 mètres de hauteur. Notre premier arrêt est le village de Djiguibombo qui lui, se situe sur le plateau en haut de la falaise. Bâti sur du rock il n’est pas possible pour ces villageois de construire tout avec de l’argile, c’est pourquoi toute les clôtures sont faite de pierres. Les petites huttes rondes ne sont pas les maisons mais plutôt les greniers pour entreposer la nourriture.


Nous continuons notre chemin sur la route qui longe une faille pour se rendre à la base de la falaise. Deuxième arrêt, le village Kani-Kombolé, ma première vue de cette magnifique falaise ainsi que les premières maisons dans la falaise. D’abord un peu d’histoire sur les Dogon, la région compte près de 50 petits villages de deux à trois mille habitants chacun. Pour être certain de rendre le tout compliqué, chaque village à son propre dialecte, donc d’essayer d’apprendre à parler le Dogon est un exercice futile. La salutation dans le dialecte de Amaghana est comme suit : agapo (bonjour), réponse, agapo ; sewa (ça va), réponse, sewa ; guini-sewa (la famille ça va), réponse, sewa ; et puis l’interlocuteur recommence ; sewa, réponse, séwa ; guini-sewa, réponse, séwa ; et les deux finissent par ho. La première fois que j’ai entendu c’était assez particulier.


Les Dogons, un peuple d’agriculteur, se sont installés dans la région il y’a plus de six siècles. Ce ne sont pas eux qui ont eu l’idée de construire les villages dans la falaise mais plutôt les Telmes (prononcé Tèlem) qui s y étaient installés il y a plus de douze siècles. Les Telmes vivaient de la chasse et des fruits qu’ils trouvaient dans les arbres de la vallée. Ils avaient élu domicile dans la falaise car c’était le meilleur moyen pour voir venir le danger, c'est-à-dire les fauves, les hyènes ou les ennemis. Les Dogons sont arrivés et ont défriché les forêts pour en faire la plaine que l’on retrouve aujourd’hui. Selon mon guide les deux peuples ont vécu en harmonie ensemble puis les Telmes sont tout simplement parti car ils ne pouvaient plus vivre de la chasse. Mon interprétation serait différente, les Dogons ont habité les maisons dans les falaises mais ne les ont pas construites, ce sont les maisons et les greniers Telmes qu’ils ont occupé. Je serais porté à croire que le départ vers le sud des Telmes fut plutôt forcé et non volontaire car il est très rare de voir un peuple abandonner tout bonnement son territoire. Par contre quand j’ai questionné mon guide, selon lui, l’histoire fut une transition paisible.


Troisième arrêt, le village de Teli, où l’on retrouve le plus grand nombre de constructions dans la falaise. Vraiment le Pays Dogon devrait faire parti de la liste des 100 choses à voir avant de mourir, Définitivement mon deuxième coup de cœur en Afrique après la Casamance. Au village de Teli nous avons grimpé la falaise pour nous rendre sur les lieus des petites maisons. Les Dogons ne sont pas restés très longtemps dans la falaise, il était très difficile de monter l’eau et les réserve de nourriture dans les hauteurs. Ils ont donc décidé de construire les villages actuel aux pieds de la falaise, par contre chaque famille Dogon détient et entretient toujours sa case dans la falaise, histoire de garder les traditions, par contre très peu de Dogons habitent encore la falaise.

Quatrième arrêt, le village d’Ende, où nous allons passer la nuit. Très similaire au village précédent de Teli, mais la spécialité du village est la teinture de tissu qu’ils exposent sur les murets de terre. Ce village est vraiment beau et une ambiance de fête y règne. D’ailleurs nous sommes en période d’initiation des petits garçons, c’est le temps de la circoncision, le passage au stade d’homme. Tout les initiés sont gardes dans une grande salle communautaire et ils chantent et dansent jusqu’aux petites heures du matin, le rituel dure 2 semaines. Pour ce qui est de la circoncision des fillettes, l’excision, une campagne de conscientisation financée par plusieurs ONG avec l’appui du gouvernement malien donne de très bons résultats et bien que plusieurs femmes fassent encore exciser leur petite fille, la pratique est en baisse et le dialogue sur le sujet est maintenant rendu possible.

Après un bon repas et une petite sieste, nous partons à l’ascension pour visiter les habitations dans la falaise, la maison du Hogon de Ende et la vue magnifique sur la plaine. Les prise de vue son à couper le souffle. On aurait du voir le Hogon mais il était absent, quel dommage. Retour au campement, une douche et puis c’est le diner qui nous est servi sur la terrasse au clair de lune. Comme je l’ai lu dans mon guide, je décide donc de dormir à la belle étoile, bien étendu sur le matelas les écouteurs de mon I-Pod dans les oreilles, je suis incapable de dormir. Je pense à vous tous, Roxanne, j’aimerais t’avoir à mes côtés, à ma famille et mes amis, le Pays Dogon c’est définitivement à vivre.

Réveil avec le lever du soleil, j’ai du dormir que deux heures mais je me sens bien. C’est l’éveil du village d’Ende, les gens partent les feux pour chauffer l’eau et une petite odeur de charbon commence à prendre le dessus sur la tranquillité du matin. Le soleil prend toute ça place et chasse les quelques nuages qui se font attendre, une autre journée parfaite en Afrique. Un autre petit tour de village et puis c’est le chemin du retour, pas déjà, mais je reviendrai, c’est promis.



Édition : Christine Adjahi née Gnimagnon

mardi 14 avril 2009

De Tombouctou à Bandiagara


Comme vous l’avez lu, ce n’est pas sans difficulté que je me suis rendu à Tombouctou; cette ville mythique du bout du monde, située aux portes du désert et qui fait depuis des lunes, rêver les plus grands voyageurs. Et bien laissez-moi vous dire que je ressors un peu déçu de cette visite. Je dois reconnaitre que l’on m’a reçu comme un roi et que le temps passé avec Hamadou et sa famille n’a pas de prix. Sans compter la visite du centre AEDT qui s’inscrit très bien dans mon voyage. Mais par contre, pour ce qui est de Tombouctou, j’en garderai le souvenir d'une ville petite, grise, éloignée de tout, où il fait trop chaud et qui est beaucoup trop tranquille pour moi! Oui je peux maintenant dire que j’y suis allé, mais une chose est certaine, je n’y retournerai pas sans obligation!

Je quitte donc la ville dans un état un peu quelconque pour me rendre à Bandiagara; petit village situé aux portes du Pays Dogon. C’est de là que je planifierai mon excursion au sein de ce petit joyaux classé patrimoine mondial par l’Unesco. Et oui, je dois me retaper le trajet, mais inverse. Je prends encore une fois un 4x4 pour traverser le désert, mais cette fois, pas fou je me réserve une place à l’intérieur, les fesses posées sur un vrai banc! J’en ai fini de galérer dans les boîtes de « pick-up ». (voir billet du 11 avril, "Se rendre à Tombouctou") !

Départ de Tombouctou vers 4 h du matin. La route est toujours aussi mauvaise et on met 10 h pour se rendre à la gare routière de Sévaré d’où je dois prendre un taxi-brousse pour me rendre à Bandiagara. Je vous expliquais que les taxis sont de vieilles Peugeot 505 avec sept bancs que l’on nomme « un 7 places » au Sénégal. Et bien au Mali ce sont des 9-10-11-ou-12 places et il faut attendre que la voiture soit pleine pour quitter. Il est donc tout à fait inutile de tenter de prévoir l’heure à laquelle on arrivera à destination.


J’arrive à Bandiagara quelques heures plus tard et je décide de loger à l’Hôtel La Falaise. C’est joli, propre et coup de bol, il y’a un siège de toilette! Je décide donc de me prendre une petite chambre ventilée pour 14 000 CFA, ce qui est très raisonnable. Je suis fatigué de la route et malade car j’ai débuté un autre traitement d’antibiotique avant de quitter Tombouctou. La poussière et les changements de température on eu le dessus sur moi et je crois qu’une autre laryngite va faire son travail.

Aussitôt débarqué du taxi brousse, comme d’habitude, tout le monde est mon ami et veut me rendre service. C’est donc dans ce contexte que je rencontre Cheik Omar qui est déterminé à m’organiser mon voyage au Pays Dogon. Par contre Cheik est loin de se douter que je ne suis plus un amateur et que cette fois je ne décide plus rien sur le champs. Je vais le faire languir, je vais négocier et surtout j’irai voir la compétition avant de prendre ma décision finale.



Avec toute l’information nécessaire je m’enferme dans ma chambre malade comme un chien, car à ce point ma laryngite est à son paroxysme. Ce n’est que deux jours plus tard que je ressors de mon antre en meilleure forme et prêt à partir à la découverte du Pays Dogon.
Édition: Isabelle Adjahi

ONG Aide aux Enfants Démunis de Tombouctou (AEDT)


Je vous présente « Aide aux Enfants Démunis de Tombouctou », l’ONG de Hamadou, un organisme né en 2002 de la seule vision d’un gars qui a décidé de s’impliquer pour tenter de faire une différence. Jusqu'alors, Hamadou était photographe et avait son propre commerce. Il avait une très bonne situation et la vie semblait lui sourire à pleines dents. Jusqu'au jour où un événement est venu bouleverser le cours de sa vie et où plus rien n’a jamais été pareil.

Durant la saison des pluies, un déluge a fait des ravages sur Tombouctou. Pendant trois jours et trois nuits il est tombé des cordes sur la ville. Les habitants ont dû déserter la place centrale du marché pour se réfugier tant bien que mal à l’intérieur des terres. Personne n'a vu le fou du village qui était resté seul au milieu du marché désert. Aussi, pour essayer de se protéger, il trouva refuge sous un abri du marché. Au bout de trois jours la pluie cessa et les gens de Tombouctou revinrent dans le but de reprendre leurs activités normales. Le grand ménage s’amorça et c’est au moment de soulever les tôles des toits des kiosques qu'on fit la macabre découverte. On alla chercher Hamadou, puiqu'il était le photographe, pour lui demander de prendre des photos de la scène pour le médecin légiste.

Ce fut là l’élément déclencheur qui lui fit voir la vie d’un autre œil. Sa vie serait dorénavant consacrée au travail social et c'est là qu'AEDT a vu le jour quelques mois plus tard. Hamadou a vendu ses biens et s’est constitué un fond de démarrage qui a permis à l’ONG de voir le jour. Il a ensuite donné à l'organisation une de ses maisons, qui sert maintenant de centre pour les enfants de la rue, de siège social pour l’ONG, de salle de classe et de terrain de jeu. AEDT a trois missions bien distinctes et tâche de relever de front ces trois défis.

Le premier point du programme de l'AEDT touche les jeunes scolarisables, c'est-à-dire les enfants de 5 à 9 ans qui n’ont reçu jusque là aucune scolarisation. Ces enfants sont souvent nés de parents indigents (sans papiers) ou de familles n'ayant pas les moyens de payer l’éducation de leurs enfants. Le Centre les prend donc en charge et les aide à s’intégrer dans au milieu scolaire. Au centre, on aide également les parents à obtenir les actes de naissance de leurs enfants pour permettre leur inscription à l’école. Une aide financière peut également être accordée aux parents pour payer les frais de scolarité ou les fournitures scolaires. Si un jeune n’est pas au niveau en mathématique en lecture ou en écriture, le Centre donnera enfin des cours d’appoints.

Le deuxième point du programme touche les jeunes travailleurs. Ils ont entre 9 et 18 ans et ne savent ni lire ni écrire, car ils ne sont jamais allés à l’école et sont trop vieux pour être intégrés au système scolaire normal. Le travail du Centre, dans ce cas, est de déterminer la volonté des jeunes à se prendre en main. À ceux qui se montrent sérieux, le Centre permet de déterminer un métier possible puis d'entreprendre une formation. L’objectif étant de faire vivre à chacun un stage dans un atelier auprès d'un maître qui lui apprendra un métier. Aussi, fait important à noter, les droits de base de l’enfant se doivent d'être respectés pour éviter que ces jeunes ne soient utilisés comme de la main d’œuvre bon marché. Pour ce faire, un programme est déterminé et les orienteurs du Centre font un suivi pour s’assurer que les droits de chaque enfant sont respectés. De plus, les jeunes peuvent suivre des cours au Centre, histoire d’apprendre à lire et à écrire dans un contexte amical et convivial. À la fin de la formation, le Centre offre également de venir financièrement en aide aux jeunes désireux de démarrer leur petite entreprise. Le micro crédit est alors utilisé pour apprendre comment gérer un budget et planifier l’avenir de leur petite entreprise.

Le troisième point du programme touche les talibés, ces gamins (majoritairement des garçons) qui vont à l’école coranique. Mohamed m’a expliqué la relation marabout/talibé d’une manière différente de celle que j’avais vue exposée précédemment (voir billet du XXX). Les maîtres coraniques vont de village en village et ramènent entre 30 et 50 petits garçons dans leur ville dans le but de faire leur éducation coranique et spirituelle. Comme le marabout est souvent seul et de ce fait a peu de moyen, il demande aux jeunes sous sa tutelle d’offrir leurs services au voisinage (tâches ménagères et petits services, en échange de nourriture ou de quelques pièces). Cette manière de faire peut facilement ressembler à de l'abus pour nous, mais il ne faut pas s'y méprendre. Comme dans toute chose, il y a les gens pleins de bonnes intentions et il y a les autres. Et bien que certains marabouts ne soient vraiment pas des exemples idéaux de chef spirituel selon Hamadou, reste que ceux qui le sont, sont très importants dans le système éducatif du Mali.

D'autre part, le Centre offre trois services spécifiques aux talibés soit: 1) un système volontaire et anonyme accessible aux enfants victimes d'abus; ce qui leur permet de dénoncer sans risque un marabout aux comportements abusifs. Le rôle du Centre étant alors d'aider à retourner les enfants concernés dans leur famille ; 2) sont également proposées des activités de formation aux marabouts afin de leur permettre d’éduquer les talibés au-delà du simple apprentissage du Coran. Ces marabouts aux connaissances élargies deviennent alors des maillons forts du système éducatif ; 3) finalement, le Centre offre aux écoles coraniques certains services alimentaires en plus d'offrir des soins de santé de base.

Ici le volontariat est à la base de tout. Personne n’est forcé de participer à un programme et tous ceux qui se montrent intéressés doivent démontrer clairement leurs motivations à poursuivre leurs études ou à apprendre un métier avant d'être admis.
Finalement, cette petite ONG qui est partie de presque rien est venue en aide et a permi l’éducation de base à plus de 100 jeunes l’an dernier. Voilà donc, encore une fois, un exemple qui vient prouver que les petits projets sans grandes ressources peuvent avoir des impacts à long terme énormes dans la vie des enfants et indirectement dans l'amélioration de la qualité de vie des villageois en général. Chapeau!

Édition: Isabelle Adjahi

L’hospitalité de Tombouctou

Aussitôt arrivé en ville, Hamadou vient me chercher au bureau de la direction générale où le commandant a établi son campement pour la nuit avant de poursuivre son voyage l’aube venue. Sur sa petite moto flanqués de mes sacs, nous arrivons chez lui. Dans sa coquette petite maison de briques d’argile, située littéralement aux portes du désert du Sahara, nous attendent sa femme et leur petit. Après ce voyage particulièrement mouvementé, la seule chose qui me préoccupe est d'enfin me laver. Car, après mon voyage dans la boîte du camion, premières loges pour « apprécier » les retours de poussière de terre rouge, j’ai littéralement changé de couleur. En d’autres termes, je suis crotté!



Après les présentations, je ne perds pas de temps et demande où je peux aller prendre une douche. « C’est au fond de la cour, tout est prêt » me dit Hamadou, en me pointant l'endroit du doigt. C’est donc très enthousiaste que, muni de ma petite trousse et d'une serviette, je me dirige vers la petite pièce. J’entre, je ferme la porte et me retrouve nez-à-nez avec un gros seau d’eau froide, un arrosoir et un gros trou pour… Je comprends alors que je suis vraiment à Tombouctou, mais je me rends surtout compte que certaines choses que l’on prend pour acquises chez nous, sont ailleurs, de vrais petits luxes. Et je ne vous cacherai pas que ces petits luxes sont pour moi indispensables; je ne suis du moins pas prêt de m’en passer pour une trop longue période.



C'est donc, tout propre que je rejoinds à la cuisine Hamadou et Mohamed un collègue, où une intéressante discussion s’ammorce pendant que Kadi, l'épouse d'Hamadou, nous prépare à diner. Hamadou m’explique en quoi consiste ses activités et comment il est venu à créer son ONG. De mon côté, je lui explique le pourquoi de ma présence en Afrique. Bien que nous ayons des parcours complètement différents et qu’un monde de différence nous sépare, nous nous rendons rapidement compte que nos visions se ressemblent étrangement.

Kadi nous sert le diner que nous mangerons à l’africaine, c'est-à-dire, assis par terre dans le salon, en rond autour des plats disposés au centre. Mais, il faut d'abord se laver les mains avec un petit arrosoir et du savon puis nous pouvons commencer à manger avec les mains en pigeant ici et là dans les plats communautaires. Fait à noter : seuls les hommes sont admis dans le cercle pour déguster le repas. Notre discussion se poursuit tard dans la nuit au cours de laquelle nous abordons plusieurs sujets tels que la religion, la situation des femmes, l’éducation, la vie à Tombouctou, etc.


Édition: Isabelle Adjahi

samedi 11 avril 2009

Se rendre à Tombouctou


Mardi matin le 31 mars, c’est le départ vers Tombouctou. Levé à 6 h pour être à la gare d’autobus où le départ est prévu pour 7 h. Le trajet de Bamako à Douentza, quelques 800 km, est très long et l’autobus est rempli à pleine capacité et parfois au-delà. Il fait chaud et il n’y a pas de climatisation. En plus, je suis le seul toubab à bord et les gens me regardent comme si j’étais un martien. Ça promet.

Au bout de treize longues heures on arrive enfin dans une petite ville qui n’est autre chose qu’un point de transit vers Tombouctou ou Gao. Mais aussitôt sorti du bus, impossible de relaxer, on me harcèle à vingt pour me vendre une place sur un 4x4 vers Bamako. Heureusement on m’avait averti de faire attention à ces bandits qui demandent toujours beaucoup trop cher pour le voyage. Je décide donc de prendre mon temps, de me trouver une chambre d’hôtel et de prendre une décision le lendemain à tête reposée.


Le lendemain, 6 h, on cogne à ma porte. C’est le gars de la veille. Il a baissé son prix, mais il reste encore plus cher que ce qu’on m’a avisé de payer. Je décide donc de lui tenir tête et refuse son offre, me disant que je pourrai, de toutes façons, quitter avec le prochain voyage. C’est en regardant le camion partir que je commence mes recherches pour trouver un autre 4x4 pour m'amener Tombouctou. Cependant, je me rends compte bien assez vite que j’ai peut-être fait une erreur, car contrairement à ce que je croyais, il n’y a pas foule de voyages vers la ville. C’est donc un peu gêné que je retrouve le même mec qui, me regardant sourire en coin, me dit que j’aurais peut-être dû me presser pour quitter à l’aube; ce qui ne manque pas de me frustrer... un peu. Il m'informe tout de même, qu’un prochain camion devrait quitter vers 10 h et qu'il vaudrait mieux y réserver une place. Pas trop fier de moi, je m’incline et lui donne 10 000 CFA pour la course avant de m’installer dans l’ère d’attente.


La ville de Douentza, comme je l’expliquais plus tôt, n’est pas très intéressante et comme je dois attendre trois heures, je me résigne et passe le temps en fouinant autour. Un autobus arrive et c’est la cohue. Aussitôt arrêté il est envahi par plus de 40 vendeurs à la sauvette. Vous imaginez? Il y a à peine 50 passagers! Bonne chance aux vendeurs qui réussiront à accrocher un pigeon pour lui vendre des bananes, des beignets, un petit sac d’eau ou un jus pour 100 ou 200 CFA. C’est aussi pendant cette attente que j'ai vue en direct, un restaurateur de l’autre côté de la rue, perdre son restaurant par inadvertance instantanément. En l’espace de quelques secondes tout s’est enflammé. Tout le monde autour, perplexes regardait sans pouvoir rien faire. Au bout de quelques minutes le propriétaire venait de perdre son gagne pain. Pauvre homme!






10 h, rien ne bouge. Nous sommes trois à attendre que le camion se remplisse; il ne quittera pas avant d’avoir au moins dix passagers. Je commence donc à imaginer que j'aurai peut-être à passer la journée entière dans cette ville et ça ne me dit rien de bon. Les mêmes mendiants viennent me voir pour la 22ième fois me demander des sous pour manger dont cette femme qui passe sans cesse avec ses deux enfants et son poupon sur le dos qui me fait signe qu’elle veut manger. Le désespoir dans ses yeux en dit long.



Vers midi, je décide d'aller au restaurant et là j’y rencontre deux danois qui reviennent tout juste de Tombouctou. Nous parlons de plusieurs sujets qui me préoccupent et nous sommes vraiment sur la même longueur d’onde. Vers 13 h je me dis que la soirée sera intéressante car j’ai de nouveaux amis et il faut faire le mieux d’une mauvaise situation. C’est à ce moment que Prosper, un officier de l’armé vient nous trouver, il cherche un interprète français/anglais car un couple de japonais qui ne parle pas le français a besoin d’aide. Leurs 4x4 à subi un bris 40 km avant Douentza et cet officier essaie tant bien que mal de leur venir en aide.




Au même moment, je vois les trois autres passagers du camion charger leurs valises sur une charrette, je me précipite vers eux pour demander si c’est le départ mais ils me répondent qu’ils retournent à la maison et reviendront demain. Ça y est : je suis pris dans le désert pour 24 h additionnelles. Prosper me demande où je vais comme ça et je lui réponds aussitôt que j’essaie de me trouver un transport pour Tombouctou. Il me dit qu’il est ici pour la journée mais que le lendemain il retournera vers la ville et qu’il pourra surement m’y emmener. Coup de théâtre : un commandant dont je ne connais pas le nom dit à Prosper qu’il y a une place dans la boîte arrière de son camion et que je suis le bienvenu si je veux partir sur le champ. Bien heureux, j’accepte avec enthousiasme mais je lui réponds que j’ai payé le mec pour la course. « Reprends ton argent et nous partons », me dit-il mais je ne trouve nulle part le fameux gars qui a empoché mes 10 000 Francs. Ce sont des bandits ici rétorque le commandant. Le grand frère de l’arnaqueur arrive et dit qu’il ira chercher sont petit frère. Il saute alors dans sa Mercedes pour aller le chercher et revient au bout de cinq minutes mais nous dit qu’il ne le trouve pas. C’est à ce moment que le commandant hausse le ton et commence à crier dans un dialecte qui m’est inconnu mais que je traduis comme suis : « Je me câlice bien d’où vient l’argent et qui l’a mis dans sa poche mais je veux voir les 10 000 CFA sur le champ ». Aussitôt dit, aussitôt fait et me voila parti pour Tombouctou.



Vous vous souvenez quand je vous parlais des pistes défoncées du parc du Djoudji, et bien la route pour Tombouctou, c’est aussi incroyable que ça puisse sembler, encore pire. Inimaginable ! D’abord le chauffeur, que je surnomme Michael Schumacker du désert, a décidé de battre son record de temps pour arriver à destination. Cela pourrait sembler anodin, mais il faut savoir que je suis assis dans la caisse arrière, sur un sac de voyage… La piste du Djoudji, je le réalise maintenant, était en excellent état. Ici c’est la traversée du désert, tout simplement ! Et le tout sur 190 km… Je ne me suis pas trompé : c’est 190 km et ça prend normalement 4 à 6 heures mais Schumacker, lui, l’a fait en 3 h 15 minutes. A l’arrivée, j’ai l’impression d’avoir passé 3 jours dans une sécheuse à linge commerciale. C’est donc au bout de 14 heures depuis mon levé que je suis maintenant arrivé a Tombouctou. Si on compte la veille, c’est 36 heures qu’il faut compter pour faire l’équivalent de Montréal – Washington.


Édition: Isabelle Adjahi

jeudi 9 avril 2009

Bamako


C'est vendredi le 27 mars que je quittai Dakar pour Bamako à bord d'un bon vieux McDonald Douglass de la compagnie aérienne du Mali; quoi demander de mieux pour se rendre à destination la tête en paix. L’avion, qui est probablement plus vieux que moi, était quoi qu'on en dise, très confortable et le service de bonne qualité. Tout allait bien jusqu'au moment de l'atterrissage. En fait, c'est durant la descente vers l’aéroport, que ça a commencé à brasser. J'ai tout compris en jetant un coup d’œil par la fenêtre; un orage venait d'éclater. C'était la première fois que je voyais de la pluie en Afrique et il a fallut que ce soit au moment de l’atterrissage. Bon, bien entendu rien de grave ne s'est produit puisque je vous écris pour vous en parler, mais j’avoue que j’ai eu toute une frousse! Et comme si quelqu’un l'avait fait exprès, aussitôt l'avion arrêté, la pluie en a fait de même.

L’entrée au pays s'est fait sans difficulté et coup de chance, Abou Baccar, le neveu du comptable de Véronique, m’attendait à la sortie de l'aéroport. Ah! Y’a rien comme les contacts pour vous faciliter la vie en voyage. Sans m'en parler, il m'avait en plus, déjà déniché un petit hôtel avec connexion wifi dans le quartier du fleuve. N’est-ce pas fantastique? Surtout quand on arrive tard. Merci Abou!

Après une bonne petite nuit de sommeil et un peu de travail sur mon blogue, je me prépare pour un petit tour de ville. Moi qui croyais que le Sénégal avait tout lot de pauvreté, je n'avais encore rien vu. En effet, j'ai vite remarqué que Bamako ne laissait pas sa place non plus. Du moins, c'est l'impression qu'il m'en reste après avoir visité les quartiers populaires et le grand marché du centre ville ou soit dit en passant il y avait pas mal plus de marchands que d’acheteurs. Mais je vous dirais que c'est pas mal moins pire que de supporter l’agressivité des vendeurs de rue de Dakar.



Un peu fatigué par ma visite, j'en profite pour relaxer et travailler sur mon blogue. Les choses vont plutôt bien et je rencontre plein de gens dans le quartier ou je suis installé. Surtout au petit Café du fleuve, voisin de mon hôtel. C'est d'ailleurs là que j'ai fait la connaissance de Bouba le serveur, avec qui j’ai discuté longuement du Mali et de ma présence en Afrique. Dans toute sa gentillesse, Bouba s'est proposé pour m'organiser une visite de Tombouctou, sa ville natale ou je serai accueilli chez un bon ami à lui, Hamadou qui s’occupe d’une ONG qui vient en aide aux enfants démunis. J'ai hâte.

La Santé au Sénégal

Pour l’ensemble du pays, seulement 10 à 12% des citoyens disposent d’une assurance santé via leur travail qui leur donne accès à un système de santé entièrement privé. Comme ici il n’y a aucun filet social les personnes malades n'ont d'autres choix que de payer pour recevoir des soins professionnels. C'est pourquoi, dès qu'un membre de la famille est malade, toute la famille se cotise afin de trouver assez d’argent.


Aussi pour pallier à ce problème, certaines ONG ont développé des mutuelles de santé. Elles fonctionnent sur le même principe qu’une compagnie d’assurances mais elles sont à but non lucratif. Les membres cotisent à la hauteur de leur capacité soit environ 100 CFA par mois (25 cents). Or, advenant un problème de santé, les frais de consultation seront remboursés, les médicaments seront co-assurés mais les opérations coûteuses ne seront malheureusement pas couvertes.


Selon Anne R, une femme que j’ai rencontrée qui travaille en coopération au Sénégal depuis plus de 20 ans, le budget de santé du gouvernement sénégalais représenterait 10% du budget national. Par contre, seulement la moitié de cet argent arrive sur le terrain. L’autre moitié servirait à l’administration et à engraisser un système pas toujours efficace. Même si le gouvernement met des sommes pour la santé, personne n’a accès à aucun service gratuitement. Heureusement que certaines ONG offrent des services gratuits en ville ou en brousse en situation de crise.


Le cas de Papis est assez particulier. Vous vous souvenez? Il habite le village de Cachouane en brousse. Il y a 25 ans, alors que le village ne disposait pas d’une case maternité, les femmes ne pouvaient pas accoucher dans le village comme le veut la tradition. Aussi, la maman de Papis, croyant le moment venu, est partie avec sa maman à pieds vers le village voisin de Djembering pour donner naissance à la case maternité locale. La route fait 10 km et la pauvre n’a pu se rendre à temps. Sa mère n'a eu d'autre choix que de l'accoucher là en bordure du chemin. Bien qu'elle ait fait de son mieux, en tirant elle a fracturé l’épaule de Papis qui garde aujourd’hui encore des séquelles du difficile accouchement en brousse. Ha oui j'oubliais, ici les hommes ne sont associés ni de près ou de loin à l’accouchement des femmes, alors elles doivent se débrouiller entièrement seules quoiqu'il arrive.


Édition: Philippe Gay

mercredi 8 avril 2009

La religion animiste


Le prémice de base de l’Animisme est que tout est vivant, que ce soit animal, végétal ou minéral. Tout le monde a été créé sur un même pied. Si un être est au dessus d’un autre, cela crée un déséquilibre. Cette situation n’étant pas acceptable il faut rejoindre les esprits en pratiquant une incantation pour leur demander de restaurer l’équilibre.


Dans la religion animiste, tout corps est physique et esprit. Comme il est impossible de communiquer directement avec Dieu, les incantations sont le contact avec les esprits qui nous entourent. On fait une offrande aux esprits par le fétiche et on leur demande de contacter Dieu pour qu’il puisse restaurer l’équilibre. La vie du casamançais n’a de sens que par, pour et avec l’animisme. Cela dépasse une religion et devient une philosophie de la vie.


Il y a trois objets " libations": le sang des animaux, le vin de palme et le riz en guise d’offrandes. L'importance de cette offrande sera reliée à l’ampleur du déséquilibre. Par exemple, pour le passage de l’enfance à l’âge adulte (qu’on appelle Initiation), on pourra immoler un troupeau entier voire cent vaches! On va en garder seulement quelques unes pour renouveler le cheptel qui peut prendre 30 ans à se reconstituer. Quand on y va, c’est à fond la caisse!

J’ai posé une question à Papis ; n’est ce pas naïf de croire qu’une incantation peu régler tous les maux? Il me répond que c’est la façon de vivre ici depuis très longtemps et que ce mode de vie a permis de garder un certain ordre social. Maintenant, dit-il, en 2009 avec l’éducation et l’évolution technologique, il est certain que si l’on devient malade, il faut aller voir le médecin et non faire une incantation au fétiche. Les mentalités changent peu à peu avec le temps.

L’Afrique noire, à la base toute animiste, a évolué, par choix ou par force, d’un point de vue religieux vers les autres grandes religions, principalement la Chrétienté et l’Islam. On retrouve, par contre, une grande influence animiste dans les pratiques religieuses et culturelles des gens convertis à ces 2 religions. Selon Papis, c’est le lien animiste qui fait que les Africains peuvent très bien vivre ensemble peu importe leurs confessions. J’ai aussi remarqué qu’il n’y pas vraiment d’animosité entre les religions, mais beaucoup de dialogue, les gens se présentent et assez rapidement vont parler de leur allégeance religieuse.

Cette brève description de l’animisme est un point de vue casamançais, plus particulièrement de Papis, un musulman qui habite dans une région du Sénégal majoritairement chrétienne. J’ai bien hâte de voir la relation avec l’animisme au Bénin, berceau du Voodoo. De mon point de vue, j’ai un peu de misère avec le concept de contact avec les esprits pour garder l’équilibre. Par contre, une chose que je ne peux nier c’est que l’équilibre entre l’homme, l’animal et la nature crée un respect que nous, dans les sociétés industrialisées, avons un peu oublié.

L’économie au Sénégal


Au Sénégal, les trois industries les plus importantes sont l’agriculture, le tourisme et la pêche. Malheureusement les taux de pluviométrie sont en baisse donc cela rend l’agriculture plus difficile et moins productive. Le gouvernement surtaxe les touristes, ce qui rend le produit de moins en moins compétitif et pousse les gens à se tourner vers d’autres destinations moins chères. Comme je l’expliquais, le gouvernement a vendu des droits de pêche au chinois qui ont presque épuisé les stocks. Malgré ce tableau un peu pessimiste, Dakar est une métropole en pleine expansion. Un nouvel aéroport devrait ouvrir en 2011 avec une autoroute à péage qui relie le centre ville. La construction est partout et le coût de la vie est de pair avec Paris pour tout ce qui est restaurant, hôtel, voiture, linge, boisson, etc …


Comme dans beaucoup de pays africains, la corruption est endémique au Sénégal. Le gouvernement Wade qui vient d’essuyer une cuisante défaite aux municipales devra revoir le tir car la société pourrait bien demander sa démission avant les présidentielles de 2012. Le coût de la vie est beaucoup moins cher dans les pays limitrophes, ce qui rend la contrebande très lucrative et le travail de douanier une des positions les plus prisée. D’ailleurs ils sont tous frickés et peuvent se permettre l’éducation de leur enfants en France ou au Canada. Le matériel qui est saisi aux douanes pour une raison quelconque est souvent revendu par ses derniers avec l’aide des employés du port.


Au niveau de l’importation de voitures, le gouvernement a voté une loi il y a quelques années qui interdit l’entrée aux véhicules de plus de 5 ans. À première vue cela pourrait sembler bon pour l’environnement mais c’est tout le contraire. Les seuls qui peuvent se payer les nouveaux véhicules sont les riches entrepreneurs, les dirigeants et cadres supérieurs d’entreprises, les gouvernements et les politiciens ainsi que les ONG. On assiste donc au pire vieillissement du parc automobile de toute l’Afrique de l’Ouest. Les petits mécanos ne peuvent réparer les véhicules neufs du au manque d’équipement pour les problèmes électroniques et informatiques. Un peu comme à Cuba on rafistole les vielles bagnoles avec les moyens du bord. Autre conséquence de cette loi, les prix des véhicules usagés ont monté en flèche ce qui veut dire qu’être propriétaire de n’importe quelle voiture ici est un luxe. Même phénomène pour les camions de transport et les autobus, vous devriez voir l’état de certains bus et taxis, ça fait peur. Du côté des meilleures nouvelles, une société iranienne vient tout juste de s’installer à Thiès et y fait l’assemblage de voitures neuves moins dispendieuses que les voitures importées. Les frais de douane peuvent atteindre 50% du prix du véhicule.


Du côté du tourisme, le produit n’est vraiment pas compétitif. Ici je vous parle de mon expérience, le Sénégal est un très beau pays et il n’y a aucune raison que l’industrie touristique batte de l’aile mais le rapport qualité prix est tellement mauvais, une chambre qui couterait 20$ en Thaïlande en coûte ici 100$. Erick du Mansa Lodge m’expliquait que du billet d’avion Paris/Cap Skirring, le gouvernement retenait 350 euro de taxe d’aéroport sur un prix de 1000 euro. De plus la qualité des infrastructures touristiques n’est pas du tout au niveau de ce que l’on retrouve dans les Caraïbes ou le Mexique.


Fait assez frappant au Sénégal est que la majorité des installations touristiques sont propriétés de blanc. Les restos, les hôtels les bars et les tours opérateurs sont majoritairement détenus par des français, bien sur, il y a quelques exceptions où des africains ont monté une bonne affaire et peuvent offrir un bon produit. Pour ces derniers, ce sont habituellement des africains qui on passé un bon bout de temps en Europe ou en Amérique et qui reviennent aux sources ou des africains mariés avec des occidentaux. Papis m’explique que les licences d’opération distribuées par le ministère du tourisme sont plus souvent offertes au blancs car ils ont les moyens de payer… et peuvent monter une affaire de qualité avec assurance et garantie. C’est toujours la même chose, les locaux n’on pas de moyens donc ne peuvent monter un projet sérieux.



Le port de Dakar est un point d’entrée important pour l’Afrique de l’Ouest. Bien sur c’est le point d’entrée de toute l’importation pour le Sénégal mais aussi un point de transit important pour l’importation vers le Mali. Le lien ferroviaire entre Dakar et Bamako, bien que très important, est de piètre qualité. J’ai rencontré des danois qui ont fait le voyage en train et ils ont mit 52 heures pour parcourir 700 km et il faut noter qu’ils n’ont pas eu de bris mécanique.
Tout comme pour les pays riches, il y a aussi en Afrique le problème de la Chine. Une grogne entre africains envers les chinois est vraiment présente. Les chinois coupent les prix des produits africains qui sont pour plusieurs leurs seuls moyens de subsistance, ont pense à l’industrie du textile, du meuble, de la pêche et d’autres biens de consommation de base. La Chine est maintenant le plus gros investisseur sur le continent africain, elle aussi veut exploiter les ressources au plus faible coût possible.


Alors voici comment je vois Dakar et le Sénégal d’un point de vue économique. Bien sur ce n’est qu’un bref sommaire de mon expérience et de mes discussions et il est certain que des habitants d’ici pourraient me faire mentir. Loin de prétendre avoir compris pourquoi l’Afrique est si dure, je fais du chemin. De mon opinion, chez nous c’est la classe moyenne qui est le moteur de l’économie, en Afrique, l’absence de classe moyenne donne une économie sans moteur. Pour les moins fortunés, la possibilité de changer de classe sociale n’est qu’un rêve nourri d’envie et de grogne envers les riches qui sont trop souvent d’origine non-africaine.
Édition: Véronique Janvier

La fin tragique d’Aboo le guide


Vous vous souvenez à mon arrivée à Dakar, je suis tombé sur Abdou qui à travaillé très fort pour me servir de guide. Et bien, le lendemain de notre retour de la Casamance, nous nous sommes assis pour finaliser nos comptes. Je dois dire que le service d’Aboo pour la région du nord, de Dakar et de la petite côte fut excellent mais sa connaissance de la Casamance était assez limitée. N’étant pas de la région, il avait fait cinq ou six visites, et n’était pas en position de m’offrir toute l’information qu’Érick et Fred du Mansa Lodge ont pu me donner.


Néanmoins, le lien d’amitié s’étant créé, j’ai décidé d’amener Aboo avec moi, de partager avec lui cette expérience et de plus, je voulais l’aider à se faire de nouveaux contacts pour qu’il puisse améliorer sa connaissance de la région et offrir ainsi un meilleur produit à ses futurs clients. Il m’est apparu très évident qu’au cours de nos excursions, à cause de l’émotion lue dans son visage ainsi que de plusieurs commentaires de sa part, ce cher Aboo vivait des expériences qu’il n’avait jamais vécues auparavant.


Patrick, le gendre de Jean-François, m’avait prévenu de faire attention aux guides de Dakar :ils n’étaient pas fiables et l’arnaque des touristes blancs était leur spécialité. Je voulais tellement le faire mentir, pouvoir me dire que j’étais bon juge de caractère et que je ne m’étais pas trompé. D’abord Aboo et moi avons négocié sur les termes de notre entente, il s’était occupé de louer une voiture avec chauffeur pour aller à St-Louis et moi je m’occupais des autres dépenses. Il avait réservé les billets de bateau puis les hôtels du nord. J'étais bien conscient qu’il prenait probablement une commission sur certaines réservations, les prix étaient bons et ce n’était pas le casse tête.


Quand je lui ai dit que j’avais des contacts en Casamance, son attitude a un peu changé et je compris qu’il ne ferait pas de commission sur cette partie du voyage; par contre il a aussi compris qu’il ferait de nouveaux contacts et que le tout serait bénéfique pour lui. Au retour vers Zinginchor, les choses se sont corsées un peu avec le choix d’hôtel. Je lis dans le guide qu’il y a des chambres à louer juste en face de l’hôtel Flamboyant oû nous avions réservé pour la nuit, et que ce petit hôtel est géré par la même direction que le Flamboyant. Je demande à Aboo d'y prendre une chambre, histoire de couper un peu dans les dépenses. En même temps, il appelle pour faire une réservation dans ce même établissement pour le couple d’américains qui retourne vers Dakar avec nous. Il fait ainsi une réservation pour les américains mais me dit qu’il n’y a pas d’autre chambre.


Nous somme donc prêts à quitter Cap Skirring et il y a un problème avec le taxi. J’avais demandé le taxi pour 20 h mais il se pointe vers 18 h 30 et ne veut pas attendre; nous sommes alors sans taxi et devons rejoindre Zinginchor. Je fais donc comprendre à Aboo que je lui avais dit 20 h et qu’il avait changé les plans sans me consulter, chose qui ne faisait pas mon affaire. Nous nous sommes rendus à la gare routière et avons pris un magnifique sept places pour nous rendre en ville afin de prendre le bateau le lendemain matin. Arrivé à l’hôtel Flamboyant, je demande à la réception s' il reste des chambres à l’hôtel voisin et ils me répondent que oui. Voyant que je mettais sa parole en doute, Aboo éclate et une discussion animée s’en suit! J’ai droit à "tu ne me fais pas confiance, je ne suis plus un esclave, je n'ai pas besoin de toi, etc…" Je me fâche et je lève le ton( ceux qui me connaissent savent que ce n’est pas dans ma nature) mais à ce moment précis, je comprends mal son attitude et je n’accepte pas du tout son traitement car je sais que j’ai été plus que correct avec lui. Apres quelques échange à voix élevée, je me rends bien compte que cela ne va nulle part et décide de régler la situation avec un dialogue calme, ce qui abaisse les tensions et nous permet de finir le voyage. Par contre cette scène sème le doute dans ma tête et me déçoit profondément...

Le lendemain, je reçois Aboo chez Véronique pour finaliser nos comptes et lui donner le dernier versement. Étant un gars de chiffre, j’ai gardé le compte de tout ce que j’ai dépensé, de l’argent que je lui ai donné et des dépenses qu'il a payées. Notre entente était de 10 000CFA (25$) par jour plus les dépenses. Je prévoyais de lui donner son argent plus un pourboire que je considérais généreux mais ce cher Aboo a le culot de me réclamer une somme quatre fois supérieure! Vous imaginez ma réaction, je suis hors de moi mais essaie de garder mon calme car la guerre ne règle rien. Je lui offre donc l’argent de notre entente sans pourboire, il me répond que je ne suis pas raisonnable, que je le prends pour un esclave…

Pour Aboo, cela n’était qu’une négociation normale, il a essayé avec moi. Il m’a dit qu’on avait fait un devis et que je ne respectais pas l’entente, il m’a menacé d’aller aux autorités, il a baissé son prix à quelques reprises, il a tout simplement essayé de retirer le maximum d’argent d’un toubab qu’il croyait faible. Je vous avoue qu’à ce moment j’étais très content d’être chez Véronique en territoire ami et j'ai pris l’avantage du terrain pour faire une leçon de morale à ce cher Aboo qui, je l’espère, reverra sa méthode de travail.

Je lui ai dit premièrement qu’il venait de perdre un ami et que son petit stratagème n’allait pas fonctionner avec moi, qu’il était mieux de prendre l’argent que je lui offrais car il n’y en aurait pas d’autre. Je lui ai aussi fait part que tous les bons mots que j’avais eus à son égard auprès de Véronique, Érick et Fred étaient définitivement rompus et qu’il perdait probablement plus de revenu potentiel futur que le montant qu’il voulait me soutirer. Je finis par lui dire que s’il continuait à travailler de cette façon, il ne pourrait jamais se bâtir une bonne réputation dans le tourisme et devrait se résigner à faire du petit business en accostant les clients dans la rue.
Je l’ai foutu dehors sans lui donner plus que l’entente en lui disant que son comportement n’était pas éthique. De plus, je lui ai dit que je le soupçonnais d’avoir cette discussion assez fréquemment avec ses clients et qu’il en était le seul responsable. Aboo ne vit vraiment pas dans la misère et a la possibilité de faire beaucoup mieux mais c’est cette morale de la vie au jour le jour qui est un frein pour lui. J’espère avoir contribué un peu à un changement d’attitude chez lui mais c’est à cause de personnes comme lui que tant de gens vivent de mauvaises expériences au Sénégal et plus particulièrement à Dakar.

vendredi 3 avril 2009

La maison des esclaves

Cette visite fut très touchante pour des raisons évidentes : l’ambiance qui y règne est très particulière. D’abord nous sommes un gros groupe de touristes, plus d’une centaine qui s’entassent dans la cour intérieure de cette maison qui a été rénovée mais sans changer son allure historique. Puis le gardien du musée, un gros bonhomme avec une voix qui porte commence son discour avec un ton et une façon qui rendraient n’importe quel toubab ou arabe mal à l’aise.

Il faut savoir qu’une bonne partie des esclaves étaient les prisonniers de guerres tribales entre différents peuples africains. Les victorieux vendaient leurs prisonniers pour un miroir ou un mousquet aux commerçants arabes, français, portugais, espagnols, anglais et probablement d’autres aussi. La grosse majorité des esclaves a été envoyée en bateaux vers les Caraïbes et l’Amérique du Sud. L’estimation du nombre d’africains extirpés de leur terre s’élève à près de 20 millions (dont plus de 6 millions n’auraient pas survécu à la traversée), un nombre qui rappelle la Shoah. Le nombre d’esclaves envoyés aux Etats-Unis est évalué à 500 000 et un peu moins vers l’Europe.

D’abord les hommes étaient séparés des femmes. Le prix des femmes dépendait de l’âge, les jeunes filles aux seins fermes étaient considérées comme vierges et avaient une plus grande valeur. Les femmes plus âgées n’avaient pas beaucoup de chance de survie. Pour le cas des hommes, ils devaient avoir au moins 60 kg, ils étaient pesés et s’ils ne faisaient pas le poids demandé, on les engraissait avec une mixture à base de fèves. Les jeunes garçons avaient aussi une bonne valeur car s' ils réussissaient la traversée, ils pouvaient travailler plus longtemps.


Pour le cas des récalcitrants, les maîtres d’esclaves étaient sans merci : ils les entassaient dans la cellule des récalcitrants qui était très petite, sous les escaliers aux limites de pouvoir fermer la porte. Le voyage pour les esclaves commençait quand ils étaient poussés dans le " couloir du non retour". La porte que vous voyez au bout était le passage pour le chargement sur les négriers. Une fois cette porte passée c’en était fini pour eux. De plus? on attachait un boulet de 20 kg à la cheville de chaque passager? donc si un esclave décidait de sauter à l’eau, c’était la noyade assurée....


Edition: Philippe Gay