dimanche 7 juin 2009

En route pour le Ghana

Vendredi le 8 mai, je quitte Lomé pour me rendre à Accra, la capitale du Ghana. D’abord je prends un taxi pour me rendre à la frontière qui se situe littéralement dans la ville de Lomé. Je vous ai parlé de ma traversée de la frontière entre le Bénin et le Togo, et bien je n’avais encore rien vu! Cette frontière ci est beaucoup plus active car elle est en ville, mais il y a aussi deux autres variables à ajouter, premièrement la langue qui change du français à l’anglais et la monnaie qui change du franc CFA au Ghana CD. Je me dis que j’ai de l’expérience vu ma dernière traversée sans encombre deux semaines auparavant. C’est donc avec cette attitude de « winner » que je sors du taxi et enfile mon sac à dos pour la grande traversée.


A peine sortie du taxi,un mec commence à me harceler pour changer mes francs CFA pour des CD. J’avais bien pris soin de vérifier sur le net le taux de change pour ne pas me faire rouler. Il me dit que le taux est à 27 donc un franc vaut 27 CD (1 CD vaut à peu près 80 cents CDN) mais le CD a été dévalué il y a quelques années et 10 000 CFA valent 27 CD avec la nouvelle dénomination. Par contre, pour être certain de bien mélanger tout le monde, les mecs qui font le change utilisent encore l’ancienne dénomination.


Je décide de prendre ma chance et de traverser la frontière puis de régler mes histoires de change de l’autre côté. La marche pour se rendre au bureau de l’immigration est pénible car on essaie de me vendre tout ce qui est inimaginable mais je tiens bon et me voilà rendu. Les formalités sont assez faciles du côté du Togo comme du Ghana et puis me voici seul dans la cohue de ce nouveau pays d’accueil. Quelle scène, j’ai à peine franchi la barrière que je suis assailli par les changeurs d’argent ainsi que les chauffeurs et ils parlent un anglais que j’ai de la difficulté à comprendre.


Je n’ai pas réservé mon transport du côté de Lomé car le guide expliquait qu’il était facile de prendre un tro-tro (équivalent d’un taxi-brousse) une fois passé la frontière. Ma première priorité est de changer de l’argent pour payer le transport et une bouteille d’eau car le soleil frappe très fort et il fait chaud. Par contre, les chauffeurs me tirent et essaient de prendre mon sac pour le mettre dans le coffre de leur voiture, mon niveau de stress augmente de manière assez dramatique et sur un ton calme mais autoritaire je dis aux quatre mecs qui se disputent ma clientèle : « you do not touch me and if I need your services I will ask »


La tension baisse un peu et je choisi un type qui me paraît bien pour faire mon change. Je lui demande si on peut parler seuls à l’écart, histoire de négocier. Lui, utilise un ton beaucoup moins calme que le mien pour repousser tout le monde. On s’assoit à l’ombre, ce qui n’est pas qu’un simple détail car on dirait que je sors de la douche. La négociation commence et, fier de moi, je réussis à faire hausser le taux à 27.5 CD pour un franc CFA. Je décide donc de changer 40 000 CFA (100$ CAN). Le mec prend ca calculette de merde et me dit 875 000 CD en prenant bien soin de me montrer le calcul qu’il répète une deuxième fois. Je prends mes CD tout fier de moi, j’ai réussi à bien négocier que je me dis. Hey oui, pour ceux qui ont fait le calcul rapide, ce foutu voleur viens de m’arnaquer de 225 000 CD, un peu moins de 20$, car 27,5 multipliés par 40 000, ça donne 1 100 000. Il faut bien avoir œuvré dans la finance pendant 14 ans pour se faire avoir comme un amateur mais dans le stress de la frontière je ne pouvais tout simplement plus calculer! J’ai compris plus tard que ces arnaqueurs ont des calculatrices qui faussent le résultat, et bien sûr, toujours à leur avantage.


Deuxième priorité, le transport.Et, aussitôt terminé avec le change, les quatre chauffeurs se ruent à nouveaux sur moi pour clore leur vente. Je leur dis que je vais continuer mon magasinage et comparer les prix avec les autres chauffeurs un peu plus loin. C’est à ce moment que le prix passe de 40 à 30 CD pour la course vers Accra seul dans une voiture. J’arrive tout près de l’autobus qui est dans un état lamentable et bien entendu sans air climatisé mais le prix est de 3 CD. C’est à ce moment que j’entends crier « ACCRA, ACCRA, CONDITIONER ». C’est un tro-tro climatisé et il ne reste que quatre places à vendre avant le départ. Il faut savoir qu’ici, ce type de transport ne décolle pas à une heure prévue mais quand le véhicule est plein. C’est une petite mini van Toyota relativement neuve de quinze passagers. Marché conclu, me voilà parti pour la capitale du pays pour la modique somme de 4,5 CD


Le premier 50 de 200 km est assez pénible car la route est en construction, gracieuseté de la Chine, mais aussitôt sorti du chantier c’est une belle route à quatre voies qui nous permet de rejoindre la ville. On voit tout de suite que le Ghana se sort relativement bien d’affaire. Les infrastructures sont en bon état, le parc automobile est plus récent et la ville est moderne, propre et très vivante. La banlieue d’Accra avec ses quartiers résidentiels ressemble plus à la collectivité nouvelle de Longueuil qu’à l’Afrique avec des résidences de taille complètement exagérée. Le terminus du tro-tro est au marché du centre ville et aussitôt sorti je décide de prendre la même attitude qu’à la frontière et de négocier mon taxi pour me rendre à l’hôtel mais une fille togolaise qui a aussi fait route me prend par le bras et me dit : « il faut prendre un taxi tout de suite, vous n’êtes pas en sécurité ici ». Elle négocie le prix avec le chauffeur et s’assure que je quitte ce coin sans problème. Merci beaucoup madame et je me suis rendu compte par la suite que la négociation avec le taxi était juste et honnête. Il ne faut jamais oublier que pour une personne malhonnête il y a encore plus de gens serviables, francs et gentils.


Édition: Philippe Guay

lundi 1 juin 2009

Analyse comparative

Voici un billet d’actualité.


On entend beaucoup dernièrement dans les médias parler des services financiers et des abus flagrants de dirigeants d’entreprises quant à leur rémunération et bonus de performance liés aux résultats des sociétés qu’ils dirigent. Bien que le sujet soit très large et complexe, je veux essayer dans les quelques lignes qui suivent de faire un parallèle entre ces « star CEO » et certains dirigeants politiques de pays pauvres. Bien sûr qu'à première vue ce n’est pas du tout la même chose, mais je crois qu’il y a plus de similarités qu’on peut le penser.

Premièrement, il est à noter que ce texte n’est pas du tout une étude scientifique du sujet, mais bien une analyse personnelle basée sur mes opinions, mes discussions et mon expérience. De plus, je ne tente aucunement de présumer que tous les chefs d’état ou que tous les dirigeants d’entreprises sont des voleurs de grand chemin avec, comme seule ambition, leur enrichissement personnel et la conquête du pouvoir.

Ceci dit, établissons d'abord la situation des politiciens des pays industrialisés. Dans les pays où la démocratie fonctionne relativement bien, il y a des systèmes de contrôle en place qui rendent assez difficile, la possibilité( mais pas l'impossibilité) de mettre en place des politiques qui ont pour seul but leurs intérêts personnels. Nous savons par contre, que tout politicien à la tête d’un état riche, venu le moment de se retirer, n’aura jamais de problème à se repositionner dans la société et de ce fait, il pourra très bien gagner sa vie.

D'autre part, le rôle premier d’un dirigeant d’entreprise est de gérer la société pour laquelle il travaille et d’en assurer la pérennité, c'est-à-dire d’être le meilleur citoyen corporatif possible en respectant la loi, ses employés et ses investisseurs. On sait également que le rôle d’un chef d’état est de gérer le pays pour lequel il a été élu, d’en assurer la pérennité en respectant les lois locales et internationales tout en protégeant ses citoyens et ses partenaires commerciaux. Aussi, je me permets d'ajouter que la période de crise économique que nous traversons m'amène à prétendre que certains de ces dirigeants ont peut-être un peu perdu le sens des valeurs corporatives de base.

En fait, ne devient pas chef d'entreprise qui veut. Il faut une vaste expérience, pour la plupart, une formation et une éducation supérieures de haut niveau, un réseau étendu de contacts ainsi que la capacité de convaincre le conseil d’administration que l’on est le candidat de premier choix pour le poste. D'autre part, pour devenir chef d’état il faut convaincre sa population par un vote électoral juste que l’on est la personne idéale pour le poste. Pour ce faire, il faut une vaste connaissance des enjeux de son pays, une formation et une éducation supérieures de haut niveau, un réseau d’organisateurs politiques et un soutien financier permettant l’atteinte des objectifs, c'est-à-dire gagner les élections.


Il est vrai que toute entreprise publique doit, par une assemblée annuelle, élire son conseil d’administration qui mettra en poste ses dirigeants. Mon expérience dans le domaine m’a démontré à maintes reprises que ce vote est plus souvent qu'autrement décidé à l’avance, car le conseil s’assure généralement de contrôler le vote avant l’assemblée. Le conseil est bien souvent en communication avec les actionnaires principaux qui font leurs demandes et le conseil les prend en considération dans la gestion et la vision de l’entreprise. Aussi, il n’est pas rare de retrouver des représentants des plus gros actionnaires pour siéger au conseil de ces entreprises et c’est à mon avis très normal puisqu'ils essaient tout simplement de protéger leurs investissements.


Pour ce qui est des chefs d’état des pays pauvres on doit savoir qu'ils sont presque toujours issus d’une élite locale et, pour la plupart, supportés par un ou plusieurs pays riches. Ils négocient généralement avec ces derniers les conditions particulières qu’ils pourront leur offrir une fois au pouvoir. À combien de reprises avons-nous entendu parler d’élections manipulées par des dirigeants corrompus s’accrocher au pouvoir à tout prix, voire commettre des meurtres et même faire emprisonner des membres de l’opposition. Et ça, c’est quand il y a des élections car malheureusement très souvent, le pouvoir se prend par un coup d’état. On a qu'à regarder le cas du très récent "président" de Madagascar ou alors celui de la Guinée Bissau ou de la Guinée.


Parallèlement, une fois en poste, le rôle des dirigeants d’entreprise est de faire le meilleur travail possible pour faire croître la société dans le but, comme je l’ai mentionné plus haut, d’en assurer la pérennité. Mais trop souvent, cet individu privilégit son entente de compensation et de bonus et comprend très bien que les décisions aux effets à court terme comme la relocalisation de la production en Chine, les coupures dans la recherche et le développement ou tout simplement, comme on l’a vu avec le système bancaire, la mise en péril de la solidité de l’entreprise par le développement de produits dangereux, de mauvaise qualité ou contraire à une bonne éthique d’entreprise lui seront très bénéfiques. Toutes ces décisions sont, bien entendu d’une vision à très court terme ne font que gonfler les profits de l’entreprise pour, par la suite, faire augmenter de manière artificielle la valeur des actions et de ce fait créer une énorme valeur pour les détenteurs d’options de l'entreprise. Les plus gros bénéficiaires de ce genre de bulle spéculative sont trop souvent les membres de l’équipe de direction qui, à leur tour, peuvent revendre leurs options et dégager un profit monstre sans avoir aucun risque de perdre quoi que ce soit advenant l'échec d’une stratégie d’affaire. De plus, ces dirigeants ont bien pris soin de se négocier un parachute doré advenant une rupture de contrat qui, tient donc, survient habituellement quand les choses vont mal.


Le chef d’état corrompu qui arrive au pouvoir soit par des élections, disons aux résultats douteux, ou alors par un coup d’état, sait très bien que la situation peu se retourner contre lui en un rien de temps. C’est pourquoi, plusieurs décisions sont vites prises et ce, dans le seul but de remplir les coffres le plus rapidement possible. Sans oublier que ce dernier s’assurera de mettre en place toute son équipe"personnelle"; histoire de consolider son pouvoir. Dans le contexte des pays pauvres, un chef d’état déchu ne pourra probablement jamais commencer à faire des conférences ( prenons exemple sur Bill Clinton à la fin de son deuxième mandat; même si les É-U ne constitue pas un pays pauvre), et par le fait même être en mesure de se construire une belle petite retraite. Non, il doit remplir le coffre pendant son règne car à la fin, s' il survit, le reste de sa vie sera fort probablement passée dans l’ombre.


Présentement, nos médias s’en donnent à cœur joie en publiant les salaires de tous ces banquiers qui ont délibérément mis tout le système financier au bord du gouffre. Il est vrai que les actions de ces derniers, vu les conséquences que l’on connait maintenant, ont été très osées et qu'elles forcent les autorités réglementaires à faire un gros ménage depuis longtemps nécessaire. Les règles du jeu sont en train de changer et pour le mieux j’espère. Bien sûr, le lobby des dirigeants qui n’ont aucun intérêt à voir ces changements survenir, travaille très fort pour garder une main mise sur le pouvoir économique que leurs positions leur confèrent, mais la réalité qui nous frappe de plein fouet mène la vie de plus en plus dure à la classe moyenne ainsi qu’aux plus démunis.


Vous avez peut-être entendu parler des trois chefs d’état africains mis en demeure par les tribunaux français en regard de la quantité grossièrement phénoménale de leurs possessions foncières sur le territoire de la France. Ce n’est certes pas le gouvernement français qui a insisté pour en faire une grosse histoire, mais bien un groupe d’ONG qui se sont mises ensemble et qui ont réussi à convaincre un juge d’instruction de porter plainte contre les présidents du Gabon, de la Guinée Équatoriale et du Congo Brazzaville. Même que cette situation met franchement le gouvernement français dans l’embarras, car il s'avère que ces trois pays sont d’anciennes colonies et par le fait même, des gros partenaires commerciaux.


Voilà ma comparaison; que l’on prenne les dirigeants d’entreprises ou les chefs d’état, plusieurs parallèles peuvent être faits. Encore une fois, le but de l’exercice n’est pas de mettre tous ces gens dans le même bateau, puisqu'il existe encore Dieu merci, des visionnaires, des bâtisseurs, des fonceurs pour nous permettre d’espérer un jour voir un monde meilleur. Ce sont les abus extrêmes d’un groupe ou de l’autre qui poussent à crier haut et fort que des changements sont nécessaires. Attendons maintenant la suite et poursuivons la pression sur tous nos dirigeants politiques et corporatifs, car les conséquences d’un échec pourraient être sans contredit absolument dramatiques....


Édition: Philippe Guay