samedi 11 avril 2009

Se rendre à Tombouctou


Mardi matin le 31 mars, c’est le départ vers Tombouctou. Levé à 6 h pour être à la gare d’autobus où le départ est prévu pour 7 h. Le trajet de Bamako à Douentza, quelques 800 km, est très long et l’autobus est rempli à pleine capacité et parfois au-delà. Il fait chaud et il n’y a pas de climatisation. En plus, je suis le seul toubab à bord et les gens me regardent comme si j’étais un martien. Ça promet.

Au bout de treize longues heures on arrive enfin dans une petite ville qui n’est autre chose qu’un point de transit vers Tombouctou ou Gao. Mais aussitôt sorti du bus, impossible de relaxer, on me harcèle à vingt pour me vendre une place sur un 4x4 vers Bamako. Heureusement on m’avait averti de faire attention à ces bandits qui demandent toujours beaucoup trop cher pour le voyage. Je décide donc de prendre mon temps, de me trouver une chambre d’hôtel et de prendre une décision le lendemain à tête reposée.


Le lendemain, 6 h, on cogne à ma porte. C’est le gars de la veille. Il a baissé son prix, mais il reste encore plus cher que ce qu’on m’a avisé de payer. Je décide donc de lui tenir tête et refuse son offre, me disant que je pourrai, de toutes façons, quitter avec le prochain voyage. C’est en regardant le camion partir que je commence mes recherches pour trouver un autre 4x4 pour m'amener Tombouctou. Cependant, je me rends compte bien assez vite que j’ai peut-être fait une erreur, car contrairement à ce que je croyais, il n’y a pas foule de voyages vers la ville. C’est donc un peu gêné que je retrouve le même mec qui, me regardant sourire en coin, me dit que j’aurais peut-être dû me presser pour quitter à l’aube; ce qui ne manque pas de me frustrer... un peu. Il m'informe tout de même, qu’un prochain camion devrait quitter vers 10 h et qu'il vaudrait mieux y réserver une place. Pas trop fier de moi, je m’incline et lui donne 10 000 CFA pour la course avant de m’installer dans l’ère d’attente.


La ville de Douentza, comme je l’expliquais plus tôt, n’est pas très intéressante et comme je dois attendre trois heures, je me résigne et passe le temps en fouinant autour. Un autobus arrive et c’est la cohue. Aussitôt arrêté il est envahi par plus de 40 vendeurs à la sauvette. Vous imaginez? Il y a à peine 50 passagers! Bonne chance aux vendeurs qui réussiront à accrocher un pigeon pour lui vendre des bananes, des beignets, un petit sac d’eau ou un jus pour 100 ou 200 CFA. C’est aussi pendant cette attente que j'ai vue en direct, un restaurateur de l’autre côté de la rue, perdre son restaurant par inadvertance instantanément. En l’espace de quelques secondes tout s’est enflammé. Tout le monde autour, perplexes regardait sans pouvoir rien faire. Au bout de quelques minutes le propriétaire venait de perdre son gagne pain. Pauvre homme!






10 h, rien ne bouge. Nous sommes trois à attendre que le camion se remplisse; il ne quittera pas avant d’avoir au moins dix passagers. Je commence donc à imaginer que j'aurai peut-être à passer la journée entière dans cette ville et ça ne me dit rien de bon. Les mêmes mendiants viennent me voir pour la 22ième fois me demander des sous pour manger dont cette femme qui passe sans cesse avec ses deux enfants et son poupon sur le dos qui me fait signe qu’elle veut manger. Le désespoir dans ses yeux en dit long.



Vers midi, je décide d'aller au restaurant et là j’y rencontre deux danois qui reviennent tout juste de Tombouctou. Nous parlons de plusieurs sujets qui me préoccupent et nous sommes vraiment sur la même longueur d’onde. Vers 13 h je me dis que la soirée sera intéressante car j’ai de nouveaux amis et il faut faire le mieux d’une mauvaise situation. C’est à ce moment que Prosper, un officier de l’armé vient nous trouver, il cherche un interprète français/anglais car un couple de japonais qui ne parle pas le français a besoin d’aide. Leurs 4x4 à subi un bris 40 km avant Douentza et cet officier essaie tant bien que mal de leur venir en aide.




Au même moment, je vois les trois autres passagers du camion charger leurs valises sur une charrette, je me précipite vers eux pour demander si c’est le départ mais ils me répondent qu’ils retournent à la maison et reviendront demain. Ça y est : je suis pris dans le désert pour 24 h additionnelles. Prosper me demande où je vais comme ça et je lui réponds aussitôt que j’essaie de me trouver un transport pour Tombouctou. Il me dit qu’il est ici pour la journée mais que le lendemain il retournera vers la ville et qu’il pourra surement m’y emmener. Coup de théâtre : un commandant dont je ne connais pas le nom dit à Prosper qu’il y a une place dans la boîte arrière de son camion et que je suis le bienvenu si je veux partir sur le champ. Bien heureux, j’accepte avec enthousiasme mais je lui réponds que j’ai payé le mec pour la course. « Reprends ton argent et nous partons », me dit-il mais je ne trouve nulle part le fameux gars qui a empoché mes 10 000 Francs. Ce sont des bandits ici rétorque le commandant. Le grand frère de l’arnaqueur arrive et dit qu’il ira chercher sont petit frère. Il saute alors dans sa Mercedes pour aller le chercher et revient au bout de cinq minutes mais nous dit qu’il ne le trouve pas. C’est à ce moment que le commandant hausse le ton et commence à crier dans un dialecte qui m’est inconnu mais que je traduis comme suis : « Je me câlice bien d’où vient l’argent et qui l’a mis dans sa poche mais je veux voir les 10 000 CFA sur le champ ». Aussitôt dit, aussitôt fait et me voila parti pour Tombouctou.



Vous vous souvenez quand je vous parlais des pistes défoncées du parc du Djoudji, et bien la route pour Tombouctou, c’est aussi incroyable que ça puisse sembler, encore pire. Inimaginable ! D’abord le chauffeur, que je surnomme Michael Schumacker du désert, a décidé de battre son record de temps pour arriver à destination. Cela pourrait sembler anodin, mais il faut savoir que je suis assis dans la caisse arrière, sur un sac de voyage… La piste du Djoudji, je le réalise maintenant, était en excellent état. Ici c’est la traversée du désert, tout simplement ! Et le tout sur 190 km… Je ne me suis pas trompé : c’est 190 km et ça prend normalement 4 à 6 heures mais Schumacker, lui, l’a fait en 3 h 15 minutes. A l’arrivée, j’ai l’impression d’avoir passé 3 jours dans une sécheuse à linge commerciale. C’est donc au bout de 14 heures depuis mon levé que je suis maintenant arrivé a Tombouctou. Si on compte la veille, c’est 36 heures qu’il faut compter pour faire l’équivalent de Montréal – Washington.


Édition: Isabelle Adjahi

jeudi 9 avril 2009

Bamako


C'est vendredi le 27 mars que je quittai Dakar pour Bamako à bord d'un bon vieux McDonald Douglass de la compagnie aérienne du Mali; quoi demander de mieux pour se rendre à destination la tête en paix. L’avion, qui est probablement plus vieux que moi, était quoi qu'on en dise, très confortable et le service de bonne qualité. Tout allait bien jusqu'au moment de l'atterrissage. En fait, c'est durant la descente vers l’aéroport, que ça a commencé à brasser. J'ai tout compris en jetant un coup d’œil par la fenêtre; un orage venait d'éclater. C'était la première fois que je voyais de la pluie en Afrique et il a fallut que ce soit au moment de l’atterrissage. Bon, bien entendu rien de grave ne s'est produit puisque je vous écris pour vous en parler, mais j’avoue que j’ai eu toute une frousse! Et comme si quelqu’un l'avait fait exprès, aussitôt l'avion arrêté, la pluie en a fait de même.

L’entrée au pays s'est fait sans difficulté et coup de chance, Abou Baccar, le neveu du comptable de Véronique, m’attendait à la sortie de l'aéroport. Ah! Y’a rien comme les contacts pour vous faciliter la vie en voyage. Sans m'en parler, il m'avait en plus, déjà déniché un petit hôtel avec connexion wifi dans le quartier du fleuve. N’est-ce pas fantastique? Surtout quand on arrive tard. Merci Abou!

Après une bonne petite nuit de sommeil et un peu de travail sur mon blogue, je me prépare pour un petit tour de ville. Moi qui croyais que le Sénégal avait tout lot de pauvreté, je n'avais encore rien vu. En effet, j'ai vite remarqué que Bamako ne laissait pas sa place non plus. Du moins, c'est l'impression qu'il m'en reste après avoir visité les quartiers populaires et le grand marché du centre ville ou soit dit en passant il y avait pas mal plus de marchands que d’acheteurs. Mais je vous dirais que c'est pas mal moins pire que de supporter l’agressivité des vendeurs de rue de Dakar.



Un peu fatigué par ma visite, j'en profite pour relaxer et travailler sur mon blogue. Les choses vont plutôt bien et je rencontre plein de gens dans le quartier ou je suis installé. Surtout au petit Café du fleuve, voisin de mon hôtel. C'est d'ailleurs là que j'ai fait la connaissance de Bouba le serveur, avec qui j’ai discuté longuement du Mali et de ma présence en Afrique. Dans toute sa gentillesse, Bouba s'est proposé pour m'organiser une visite de Tombouctou, sa ville natale ou je serai accueilli chez un bon ami à lui, Hamadou qui s’occupe d’une ONG qui vient en aide aux enfants démunis. J'ai hâte.

La Santé au Sénégal

Pour l’ensemble du pays, seulement 10 à 12% des citoyens disposent d’une assurance santé via leur travail qui leur donne accès à un système de santé entièrement privé. Comme ici il n’y a aucun filet social les personnes malades n'ont d'autres choix que de payer pour recevoir des soins professionnels. C'est pourquoi, dès qu'un membre de la famille est malade, toute la famille se cotise afin de trouver assez d’argent.


Aussi pour pallier à ce problème, certaines ONG ont développé des mutuelles de santé. Elles fonctionnent sur le même principe qu’une compagnie d’assurances mais elles sont à but non lucratif. Les membres cotisent à la hauteur de leur capacité soit environ 100 CFA par mois (25 cents). Or, advenant un problème de santé, les frais de consultation seront remboursés, les médicaments seront co-assurés mais les opérations coûteuses ne seront malheureusement pas couvertes.


Selon Anne R, une femme que j’ai rencontrée qui travaille en coopération au Sénégal depuis plus de 20 ans, le budget de santé du gouvernement sénégalais représenterait 10% du budget national. Par contre, seulement la moitié de cet argent arrive sur le terrain. L’autre moitié servirait à l’administration et à engraisser un système pas toujours efficace. Même si le gouvernement met des sommes pour la santé, personne n’a accès à aucun service gratuitement. Heureusement que certaines ONG offrent des services gratuits en ville ou en brousse en situation de crise.


Le cas de Papis est assez particulier. Vous vous souvenez? Il habite le village de Cachouane en brousse. Il y a 25 ans, alors que le village ne disposait pas d’une case maternité, les femmes ne pouvaient pas accoucher dans le village comme le veut la tradition. Aussi, la maman de Papis, croyant le moment venu, est partie avec sa maman à pieds vers le village voisin de Djembering pour donner naissance à la case maternité locale. La route fait 10 km et la pauvre n’a pu se rendre à temps. Sa mère n'a eu d'autre choix que de l'accoucher là en bordure du chemin. Bien qu'elle ait fait de son mieux, en tirant elle a fracturé l’épaule de Papis qui garde aujourd’hui encore des séquelles du difficile accouchement en brousse. Ha oui j'oubliais, ici les hommes ne sont associés ni de près ou de loin à l’accouchement des femmes, alors elles doivent se débrouiller entièrement seules quoiqu'il arrive.


Édition: Philippe Gay

mercredi 8 avril 2009

La religion animiste


Le prémice de base de l’Animisme est que tout est vivant, que ce soit animal, végétal ou minéral. Tout le monde a été créé sur un même pied. Si un être est au dessus d’un autre, cela crée un déséquilibre. Cette situation n’étant pas acceptable il faut rejoindre les esprits en pratiquant une incantation pour leur demander de restaurer l’équilibre.


Dans la religion animiste, tout corps est physique et esprit. Comme il est impossible de communiquer directement avec Dieu, les incantations sont le contact avec les esprits qui nous entourent. On fait une offrande aux esprits par le fétiche et on leur demande de contacter Dieu pour qu’il puisse restaurer l’équilibre. La vie du casamançais n’a de sens que par, pour et avec l’animisme. Cela dépasse une religion et devient une philosophie de la vie.


Il y a trois objets " libations": le sang des animaux, le vin de palme et le riz en guise d’offrandes. L'importance de cette offrande sera reliée à l’ampleur du déséquilibre. Par exemple, pour le passage de l’enfance à l’âge adulte (qu’on appelle Initiation), on pourra immoler un troupeau entier voire cent vaches! On va en garder seulement quelques unes pour renouveler le cheptel qui peut prendre 30 ans à se reconstituer. Quand on y va, c’est à fond la caisse!

J’ai posé une question à Papis ; n’est ce pas naïf de croire qu’une incantation peu régler tous les maux? Il me répond que c’est la façon de vivre ici depuis très longtemps et que ce mode de vie a permis de garder un certain ordre social. Maintenant, dit-il, en 2009 avec l’éducation et l’évolution technologique, il est certain que si l’on devient malade, il faut aller voir le médecin et non faire une incantation au fétiche. Les mentalités changent peu à peu avec le temps.

L’Afrique noire, à la base toute animiste, a évolué, par choix ou par force, d’un point de vue religieux vers les autres grandes religions, principalement la Chrétienté et l’Islam. On retrouve, par contre, une grande influence animiste dans les pratiques religieuses et culturelles des gens convertis à ces 2 religions. Selon Papis, c’est le lien animiste qui fait que les Africains peuvent très bien vivre ensemble peu importe leurs confessions. J’ai aussi remarqué qu’il n’y pas vraiment d’animosité entre les religions, mais beaucoup de dialogue, les gens se présentent et assez rapidement vont parler de leur allégeance religieuse.

Cette brève description de l’animisme est un point de vue casamançais, plus particulièrement de Papis, un musulman qui habite dans une région du Sénégal majoritairement chrétienne. J’ai bien hâte de voir la relation avec l’animisme au Bénin, berceau du Voodoo. De mon point de vue, j’ai un peu de misère avec le concept de contact avec les esprits pour garder l’équilibre. Par contre, une chose que je ne peux nier c’est que l’équilibre entre l’homme, l’animal et la nature crée un respect que nous, dans les sociétés industrialisées, avons un peu oublié.

L’économie au Sénégal


Au Sénégal, les trois industries les plus importantes sont l’agriculture, le tourisme et la pêche. Malheureusement les taux de pluviométrie sont en baisse donc cela rend l’agriculture plus difficile et moins productive. Le gouvernement surtaxe les touristes, ce qui rend le produit de moins en moins compétitif et pousse les gens à se tourner vers d’autres destinations moins chères. Comme je l’expliquais, le gouvernement a vendu des droits de pêche au chinois qui ont presque épuisé les stocks. Malgré ce tableau un peu pessimiste, Dakar est une métropole en pleine expansion. Un nouvel aéroport devrait ouvrir en 2011 avec une autoroute à péage qui relie le centre ville. La construction est partout et le coût de la vie est de pair avec Paris pour tout ce qui est restaurant, hôtel, voiture, linge, boisson, etc …


Comme dans beaucoup de pays africains, la corruption est endémique au Sénégal. Le gouvernement Wade qui vient d’essuyer une cuisante défaite aux municipales devra revoir le tir car la société pourrait bien demander sa démission avant les présidentielles de 2012. Le coût de la vie est beaucoup moins cher dans les pays limitrophes, ce qui rend la contrebande très lucrative et le travail de douanier une des positions les plus prisée. D’ailleurs ils sont tous frickés et peuvent se permettre l’éducation de leur enfants en France ou au Canada. Le matériel qui est saisi aux douanes pour une raison quelconque est souvent revendu par ses derniers avec l’aide des employés du port.


Au niveau de l’importation de voitures, le gouvernement a voté une loi il y a quelques années qui interdit l’entrée aux véhicules de plus de 5 ans. À première vue cela pourrait sembler bon pour l’environnement mais c’est tout le contraire. Les seuls qui peuvent se payer les nouveaux véhicules sont les riches entrepreneurs, les dirigeants et cadres supérieurs d’entreprises, les gouvernements et les politiciens ainsi que les ONG. On assiste donc au pire vieillissement du parc automobile de toute l’Afrique de l’Ouest. Les petits mécanos ne peuvent réparer les véhicules neufs du au manque d’équipement pour les problèmes électroniques et informatiques. Un peu comme à Cuba on rafistole les vielles bagnoles avec les moyens du bord. Autre conséquence de cette loi, les prix des véhicules usagés ont monté en flèche ce qui veut dire qu’être propriétaire de n’importe quelle voiture ici est un luxe. Même phénomène pour les camions de transport et les autobus, vous devriez voir l’état de certains bus et taxis, ça fait peur. Du côté des meilleures nouvelles, une société iranienne vient tout juste de s’installer à Thiès et y fait l’assemblage de voitures neuves moins dispendieuses que les voitures importées. Les frais de douane peuvent atteindre 50% du prix du véhicule.


Du côté du tourisme, le produit n’est vraiment pas compétitif. Ici je vous parle de mon expérience, le Sénégal est un très beau pays et il n’y a aucune raison que l’industrie touristique batte de l’aile mais le rapport qualité prix est tellement mauvais, une chambre qui couterait 20$ en Thaïlande en coûte ici 100$. Erick du Mansa Lodge m’expliquait que du billet d’avion Paris/Cap Skirring, le gouvernement retenait 350 euro de taxe d’aéroport sur un prix de 1000 euro. De plus la qualité des infrastructures touristiques n’est pas du tout au niveau de ce que l’on retrouve dans les Caraïbes ou le Mexique.


Fait assez frappant au Sénégal est que la majorité des installations touristiques sont propriétés de blanc. Les restos, les hôtels les bars et les tours opérateurs sont majoritairement détenus par des français, bien sur, il y a quelques exceptions où des africains ont monté une bonne affaire et peuvent offrir un bon produit. Pour ces derniers, ce sont habituellement des africains qui on passé un bon bout de temps en Europe ou en Amérique et qui reviennent aux sources ou des africains mariés avec des occidentaux. Papis m’explique que les licences d’opération distribuées par le ministère du tourisme sont plus souvent offertes au blancs car ils ont les moyens de payer… et peuvent monter une affaire de qualité avec assurance et garantie. C’est toujours la même chose, les locaux n’on pas de moyens donc ne peuvent monter un projet sérieux.



Le port de Dakar est un point d’entrée important pour l’Afrique de l’Ouest. Bien sur c’est le point d’entrée de toute l’importation pour le Sénégal mais aussi un point de transit important pour l’importation vers le Mali. Le lien ferroviaire entre Dakar et Bamako, bien que très important, est de piètre qualité. J’ai rencontré des danois qui ont fait le voyage en train et ils ont mit 52 heures pour parcourir 700 km et il faut noter qu’ils n’ont pas eu de bris mécanique.
Tout comme pour les pays riches, il y a aussi en Afrique le problème de la Chine. Une grogne entre africains envers les chinois est vraiment présente. Les chinois coupent les prix des produits africains qui sont pour plusieurs leurs seuls moyens de subsistance, ont pense à l’industrie du textile, du meuble, de la pêche et d’autres biens de consommation de base. La Chine est maintenant le plus gros investisseur sur le continent africain, elle aussi veut exploiter les ressources au plus faible coût possible.


Alors voici comment je vois Dakar et le Sénégal d’un point de vue économique. Bien sur ce n’est qu’un bref sommaire de mon expérience et de mes discussions et il est certain que des habitants d’ici pourraient me faire mentir. Loin de prétendre avoir compris pourquoi l’Afrique est si dure, je fais du chemin. De mon opinion, chez nous c’est la classe moyenne qui est le moteur de l’économie, en Afrique, l’absence de classe moyenne donne une économie sans moteur. Pour les moins fortunés, la possibilité de changer de classe sociale n’est qu’un rêve nourri d’envie et de grogne envers les riches qui sont trop souvent d’origine non-africaine.
Édition: Véronique Janvier

La fin tragique d’Aboo le guide


Vous vous souvenez à mon arrivée à Dakar, je suis tombé sur Abdou qui à travaillé très fort pour me servir de guide. Et bien, le lendemain de notre retour de la Casamance, nous nous sommes assis pour finaliser nos comptes. Je dois dire que le service d’Aboo pour la région du nord, de Dakar et de la petite côte fut excellent mais sa connaissance de la Casamance était assez limitée. N’étant pas de la région, il avait fait cinq ou six visites, et n’était pas en position de m’offrir toute l’information qu’Érick et Fred du Mansa Lodge ont pu me donner.


Néanmoins, le lien d’amitié s’étant créé, j’ai décidé d’amener Aboo avec moi, de partager avec lui cette expérience et de plus, je voulais l’aider à se faire de nouveaux contacts pour qu’il puisse améliorer sa connaissance de la région et offrir ainsi un meilleur produit à ses futurs clients. Il m’est apparu très évident qu’au cours de nos excursions, à cause de l’émotion lue dans son visage ainsi que de plusieurs commentaires de sa part, ce cher Aboo vivait des expériences qu’il n’avait jamais vécues auparavant.


Patrick, le gendre de Jean-François, m’avait prévenu de faire attention aux guides de Dakar :ils n’étaient pas fiables et l’arnaque des touristes blancs était leur spécialité. Je voulais tellement le faire mentir, pouvoir me dire que j’étais bon juge de caractère et que je ne m’étais pas trompé. D’abord Aboo et moi avons négocié sur les termes de notre entente, il s’était occupé de louer une voiture avec chauffeur pour aller à St-Louis et moi je m’occupais des autres dépenses. Il avait réservé les billets de bateau puis les hôtels du nord. J'étais bien conscient qu’il prenait probablement une commission sur certaines réservations, les prix étaient bons et ce n’était pas le casse tête.


Quand je lui ai dit que j’avais des contacts en Casamance, son attitude a un peu changé et je compris qu’il ne ferait pas de commission sur cette partie du voyage; par contre il a aussi compris qu’il ferait de nouveaux contacts et que le tout serait bénéfique pour lui. Au retour vers Zinginchor, les choses se sont corsées un peu avec le choix d’hôtel. Je lis dans le guide qu’il y a des chambres à louer juste en face de l’hôtel Flamboyant oû nous avions réservé pour la nuit, et que ce petit hôtel est géré par la même direction que le Flamboyant. Je demande à Aboo d'y prendre une chambre, histoire de couper un peu dans les dépenses. En même temps, il appelle pour faire une réservation dans ce même établissement pour le couple d’américains qui retourne vers Dakar avec nous. Il fait ainsi une réservation pour les américains mais me dit qu’il n’y a pas d’autre chambre.


Nous somme donc prêts à quitter Cap Skirring et il y a un problème avec le taxi. J’avais demandé le taxi pour 20 h mais il se pointe vers 18 h 30 et ne veut pas attendre; nous sommes alors sans taxi et devons rejoindre Zinginchor. Je fais donc comprendre à Aboo que je lui avais dit 20 h et qu’il avait changé les plans sans me consulter, chose qui ne faisait pas mon affaire. Nous nous sommes rendus à la gare routière et avons pris un magnifique sept places pour nous rendre en ville afin de prendre le bateau le lendemain matin. Arrivé à l’hôtel Flamboyant, je demande à la réception s' il reste des chambres à l’hôtel voisin et ils me répondent que oui. Voyant que je mettais sa parole en doute, Aboo éclate et une discussion animée s’en suit! J’ai droit à "tu ne me fais pas confiance, je ne suis plus un esclave, je n'ai pas besoin de toi, etc…" Je me fâche et je lève le ton( ceux qui me connaissent savent que ce n’est pas dans ma nature) mais à ce moment précis, je comprends mal son attitude et je n’accepte pas du tout son traitement car je sais que j’ai été plus que correct avec lui. Apres quelques échange à voix élevée, je me rends bien compte que cela ne va nulle part et décide de régler la situation avec un dialogue calme, ce qui abaisse les tensions et nous permet de finir le voyage. Par contre cette scène sème le doute dans ma tête et me déçoit profondément...

Le lendemain, je reçois Aboo chez Véronique pour finaliser nos comptes et lui donner le dernier versement. Étant un gars de chiffre, j’ai gardé le compte de tout ce que j’ai dépensé, de l’argent que je lui ai donné et des dépenses qu'il a payées. Notre entente était de 10 000CFA (25$) par jour plus les dépenses. Je prévoyais de lui donner son argent plus un pourboire que je considérais généreux mais ce cher Aboo a le culot de me réclamer une somme quatre fois supérieure! Vous imaginez ma réaction, je suis hors de moi mais essaie de garder mon calme car la guerre ne règle rien. Je lui offre donc l’argent de notre entente sans pourboire, il me répond que je ne suis pas raisonnable, que je le prends pour un esclave…

Pour Aboo, cela n’était qu’une négociation normale, il a essayé avec moi. Il m’a dit qu’on avait fait un devis et que je ne respectais pas l’entente, il m’a menacé d’aller aux autorités, il a baissé son prix à quelques reprises, il a tout simplement essayé de retirer le maximum d’argent d’un toubab qu’il croyait faible. Je vous avoue qu’à ce moment j’étais très content d’être chez Véronique en territoire ami et j'ai pris l’avantage du terrain pour faire une leçon de morale à ce cher Aboo qui, je l’espère, reverra sa méthode de travail.

Je lui ai dit premièrement qu’il venait de perdre un ami et que son petit stratagème n’allait pas fonctionner avec moi, qu’il était mieux de prendre l’argent que je lui offrais car il n’y en aurait pas d’autre. Je lui ai aussi fait part que tous les bons mots que j’avais eus à son égard auprès de Véronique, Érick et Fred étaient définitivement rompus et qu’il perdait probablement plus de revenu potentiel futur que le montant qu’il voulait me soutirer. Je finis par lui dire que s’il continuait à travailler de cette façon, il ne pourrait jamais se bâtir une bonne réputation dans le tourisme et devrait se résigner à faire du petit business en accostant les clients dans la rue.
Je l’ai foutu dehors sans lui donner plus que l’entente en lui disant que son comportement n’était pas éthique. De plus, je lui ai dit que je le soupçonnais d’avoir cette discussion assez fréquemment avec ses clients et qu’il en était le seul responsable. Aboo ne vit vraiment pas dans la misère et a la possibilité de faire beaucoup mieux mais c’est cette morale de la vie au jour le jour qui est un frein pour lui. J’espère avoir contribué un peu à un changement d’attitude chez lui mais c’est à cause de personnes comme lui que tant de gens vivent de mauvaises expériences au Sénégal et plus particulièrement à Dakar.

vendredi 3 avril 2009

La maison des esclaves

Cette visite fut très touchante pour des raisons évidentes : l’ambiance qui y règne est très particulière. D’abord nous sommes un gros groupe de touristes, plus d’une centaine qui s’entassent dans la cour intérieure de cette maison qui a été rénovée mais sans changer son allure historique. Puis le gardien du musée, un gros bonhomme avec une voix qui porte commence son discour avec un ton et une façon qui rendraient n’importe quel toubab ou arabe mal à l’aise.

Il faut savoir qu’une bonne partie des esclaves étaient les prisonniers de guerres tribales entre différents peuples africains. Les victorieux vendaient leurs prisonniers pour un miroir ou un mousquet aux commerçants arabes, français, portugais, espagnols, anglais et probablement d’autres aussi. La grosse majorité des esclaves a été envoyée en bateaux vers les Caraïbes et l’Amérique du Sud. L’estimation du nombre d’africains extirpés de leur terre s’élève à près de 20 millions (dont plus de 6 millions n’auraient pas survécu à la traversée), un nombre qui rappelle la Shoah. Le nombre d’esclaves envoyés aux Etats-Unis est évalué à 500 000 et un peu moins vers l’Europe.

D’abord les hommes étaient séparés des femmes. Le prix des femmes dépendait de l’âge, les jeunes filles aux seins fermes étaient considérées comme vierges et avaient une plus grande valeur. Les femmes plus âgées n’avaient pas beaucoup de chance de survie. Pour le cas des hommes, ils devaient avoir au moins 60 kg, ils étaient pesés et s’ils ne faisaient pas le poids demandé, on les engraissait avec une mixture à base de fèves. Les jeunes garçons avaient aussi une bonne valeur car s' ils réussissaient la traversée, ils pouvaient travailler plus longtemps.


Pour le cas des récalcitrants, les maîtres d’esclaves étaient sans merci : ils les entassaient dans la cellule des récalcitrants qui était très petite, sous les escaliers aux limites de pouvoir fermer la porte. Le voyage pour les esclaves commençait quand ils étaient poussés dans le " couloir du non retour". La porte que vous voyez au bout était le passage pour le chargement sur les négriers. Une fois cette porte passée c’en était fini pour eux. De plus? on attachait un boulet de 20 kg à la cheville de chaque passager? donc si un esclave décidait de sauter à l’eau, c’était la noyade assurée....


Edition: Philippe Gay