samedi 11 avril 2009

Se rendre à Tombouctou


Mardi matin le 31 mars, c’est le départ vers Tombouctou. Levé à 6 h pour être à la gare d’autobus où le départ est prévu pour 7 h. Le trajet de Bamako à Douentza, quelques 800 km, est très long et l’autobus est rempli à pleine capacité et parfois au-delà. Il fait chaud et il n’y a pas de climatisation. En plus, je suis le seul toubab à bord et les gens me regardent comme si j’étais un martien. Ça promet.

Au bout de treize longues heures on arrive enfin dans une petite ville qui n’est autre chose qu’un point de transit vers Tombouctou ou Gao. Mais aussitôt sorti du bus, impossible de relaxer, on me harcèle à vingt pour me vendre une place sur un 4x4 vers Bamako. Heureusement on m’avait averti de faire attention à ces bandits qui demandent toujours beaucoup trop cher pour le voyage. Je décide donc de prendre mon temps, de me trouver une chambre d’hôtel et de prendre une décision le lendemain à tête reposée.


Le lendemain, 6 h, on cogne à ma porte. C’est le gars de la veille. Il a baissé son prix, mais il reste encore plus cher que ce qu’on m’a avisé de payer. Je décide donc de lui tenir tête et refuse son offre, me disant que je pourrai, de toutes façons, quitter avec le prochain voyage. C’est en regardant le camion partir que je commence mes recherches pour trouver un autre 4x4 pour m'amener Tombouctou. Cependant, je me rends compte bien assez vite que j’ai peut-être fait une erreur, car contrairement à ce que je croyais, il n’y a pas foule de voyages vers la ville. C’est donc un peu gêné que je retrouve le même mec qui, me regardant sourire en coin, me dit que j’aurais peut-être dû me presser pour quitter à l’aube; ce qui ne manque pas de me frustrer... un peu. Il m'informe tout de même, qu’un prochain camion devrait quitter vers 10 h et qu'il vaudrait mieux y réserver une place. Pas trop fier de moi, je m’incline et lui donne 10 000 CFA pour la course avant de m’installer dans l’ère d’attente.


La ville de Douentza, comme je l’expliquais plus tôt, n’est pas très intéressante et comme je dois attendre trois heures, je me résigne et passe le temps en fouinant autour. Un autobus arrive et c’est la cohue. Aussitôt arrêté il est envahi par plus de 40 vendeurs à la sauvette. Vous imaginez? Il y a à peine 50 passagers! Bonne chance aux vendeurs qui réussiront à accrocher un pigeon pour lui vendre des bananes, des beignets, un petit sac d’eau ou un jus pour 100 ou 200 CFA. C’est aussi pendant cette attente que j'ai vue en direct, un restaurateur de l’autre côté de la rue, perdre son restaurant par inadvertance instantanément. En l’espace de quelques secondes tout s’est enflammé. Tout le monde autour, perplexes regardait sans pouvoir rien faire. Au bout de quelques minutes le propriétaire venait de perdre son gagne pain. Pauvre homme!






10 h, rien ne bouge. Nous sommes trois à attendre que le camion se remplisse; il ne quittera pas avant d’avoir au moins dix passagers. Je commence donc à imaginer que j'aurai peut-être à passer la journée entière dans cette ville et ça ne me dit rien de bon. Les mêmes mendiants viennent me voir pour la 22ième fois me demander des sous pour manger dont cette femme qui passe sans cesse avec ses deux enfants et son poupon sur le dos qui me fait signe qu’elle veut manger. Le désespoir dans ses yeux en dit long.



Vers midi, je décide d'aller au restaurant et là j’y rencontre deux danois qui reviennent tout juste de Tombouctou. Nous parlons de plusieurs sujets qui me préoccupent et nous sommes vraiment sur la même longueur d’onde. Vers 13 h je me dis que la soirée sera intéressante car j’ai de nouveaux amis et il faut faire le mieux d’une mauvaise situation. C’est à ce moment que Prosper, un officier de l’armé vient nous trouver, il cherche un interprète français/anglais car un couple de japonais qui ne parle pas le français a besoin d’aide. Leurs 4x4 à subi un bris 40 km avant Douentza et cet officier essaie tant bien que mal de leur venir en aide.




Au même moment, je vois les trois autres passagers du camion charger leurs valises sur une charrette, je me précipite vers eux pour demander si c’est le départ mais ils me répondent qu’ils retournent à la maison et reviendront demain. Ça y est : je suis pris dans le désert pour 24 h additionnelles. Prosper me demande où je vais comme ça et je lui réponds aussitôt que j’essaie de me trouver un transport pour Tombouctou. Il me dit qu’il est ici pour la journée mais que le lendemain il retournera vers la ville et qu’il pourra surement m’y emmener. Coup de théâtre : un commandant dont je ne connais pas le nom dit à Prosper qu’il y a une place dans la boîte arrière de son camion et que je suis le bienvenu si je veux partir sur le champ. Bien heureux, j’accepte avec enthousiasme mais je lui réponds que j’ai payé le mec pour la course. « Reprends ton argent et nous partons », me dit-il mais je ne trouve nulle part le fameux gars qui a empoché mes 10 000 Francs. Ce sont des bandits ici rétorque le commandant. Le grand frère de l’arnaqueur arrive et dit qu’il ira chercher sont petit frère. Il saute alors dans sa Mercedes pour aller le chercher et revient au bout de cinq minutes mais nous dit qu’il ne le trouve pas. C’est à ce moment que le commandant hausse le ton et commence à crier dans un dialecte qui m’est inconnu mais que je traduis comme suis : « Je me câlice bien d’où vient l’argent et qui l’a mis dans sa poche mais je veux voir les 10 000 CFA sur le champ ». Aussitôt dit, aussitôt fait et me voila parti pour Tombouctou.



Vous vous souvenez quand je vous parlais des pistes défoncées du parc du Djoudji, et bien la route pour Tombouctou, c’est aussi incroyable que ça puisse sembler, encore pire. Inimaginable ! D’abord le chauffeur, que je surnomme Michael Schumacker du désert, a décidé de battre son record de temps pour arriver à destination. Cela pourrait sembler anodin, mais il faut savoir que je suis assis dans la caisse arrière, sur un sac de voyage… La piste du Djoudji, je le réalise maintenant, était en excellent état. Ici c’est la traversée du désert, tout simplement ! Et le tout sur 190 km… Je ne me suis pas trompé : c’est 190 km et ça prend normalement 4 à 6 heures mais Schumacker, lui, l’a fait en 3 h 15 minutes. A l’arrivée, j’ai l’impression d’avoir passé 3 jours dans une sécheuse à linge commerciale. C’est donc au bout de 14 heures depuis mon levé que je suis maintenant arrivé a Tombouctou. Si on compte la veille, c’est 36 heures qu’il faut compter pour faire l’équivalent de Montréal – Washington.


Édition: Isabelle Adjahi

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